Sankoré : ce n’est pas le bac, on n’est pas à 93 % de réussite…


Un jeu de Fabio Lopiano et Mandela Fernandez-Grandon, illustré par Ian O'toole et édité par Super Meeple.


Instant Wikipedia : 

La mosquée de Sankoré voit le jour aux alentours de 1100. Elle est bâtie par des Berbères qui vivaient dans ce qui deviendra Tombouctou. Notre brave Mansa Moussa, empereur du Mali de 1312 jusqu’en 1337, se dit, en revenant de son pèlerinage à La Mecque : « tiens, et si on faisait une université un peu plus cossue ? » Et c’est là que commence réellement son histoire.

Cette dernière était composée de nombreux bâtiments en argile, bois, pierre et boue. Chaque chantier était dirigé par un imam ou un uléma.

Les cours se déroulaient dans des salles fermées ou en extérieur, les étudiants ayant des planches de bois et de l’encre fabriquée sur place pour travailler.

Il fallait, pour y rentrer, posséder deux diplômes : l’un prouvant qu’ils savaient lire et écrire l’arabe, puis ils entraient en formation ; le deuxième, lui, était un mélange de plusieurs disciplines.

À ce niveau, les étudiants s’engageaient dans des études obligatoires et facultatives.

Les études obligatoires comprenaient la philosophie, la loi islamique, l’interprétation du Coran, l’étude des langues et la grammaire avancée.

Les études facultatives comprenaient l’histoire, l’algèbre, la physique, la médecine, la chimie, l’arithmétique et l’astronomie, les UE libres en gros.

L’étudiant mettait dix ans à être diplômé en moyenne et recevait des vêtements, du sel, du bétail et de l’argent en récompense.

Pendant le règne d’Askia Daoud (1549-1583), l’université accueillait jusqu’à 25 000 étudiants et près de 100 000 manuscrits, autant que d’habitants à Tombouctou à l’époque.

Après l’invasion du Songhaï par le Maroc en 1591, ils dépouillèrent l’université de ses manuscrits et de ses érudits, signant la fin du rayonnement de l’université sur le continent africain. Elle sert actuellement encore d’école coranique pour les jeunes enfants et a permis l’entrée de la ville au patrimoine mondial de l’UNESCO.


Mise en place : 25 minutes

Règles : 30 minutes 

Temps de partie : 2 heures 

Âges : 14 ans

Type de jeu : planification, placement d’ouvriers 

Thème : gestion d’université 



💂Bon allez, j’en ai marre de bosser, payer des impôts, recevoir des courriers de l’URSSAF que je ne comprends pas. Mme J on retourne à la fac pour devenir directeurs du monde ? 3 mois de vacances, soirées à gogo et insouciance, le paradis…

💃 Euh tu as oublié quelque chose mon cher Mr J, l’absence d’argent pour acheter des jeux, les révisions en période de fêtes pour les examens de rentrée sur des connaissances qu’on oubliera dans l’heure et pire que tout, il faudra parler à des gens…

💂Ah oui, bien vu l’aveugle, bon bah, viens dans la ludothèque on va se la créer nous même cette université de rêve…

💃Voilà qui est mieux, je prends ma tenue d’écolière et j’arrive.

💂...

💃 Redescends sur terre et viens jouer Mr J…


Mise en place : 

On déploie le plateau et on place, sur chaque zone de cours, les Livres, le Prestige, les jetons Sankoré, les Étudiants, le Diplôme et son chameau à Tombouctou.

On constitue la réserve de Cours selon le modèle indiqué, ainsi que la réserve de jetons Livre, Étudiants, jetons Sankoré, Prestige, Sel, Or, tuiles Faveur et tuiles Compétence sur le côté du plateau.

Le plateau Bibliothèque est placé en dessous.

Chaque joueur prend son plateau joueur, sur lequel il va placer ses couronnes, sa mosquée, ses murs et ses comptoirs commerciaux, ses 4 cours préparatoires ainsi qu’une tuile de cours universitaires, un Étudiant et un Livre.

Chaque joueur prend dans la réserve un Sel, 2 Ors et un jeton Inspiration, ainsi qu’un certain nombre de tuiles Faveur dépendant du nombre de joueurs.

Pour finir, il place son jeton à la base de la piste Faveur, récupère 3 cartes Objectif et en conserve 2.


Le plateau joueur de Mme J

Le graaaaand plateau central

Le plateau Bibliothèque recto-verso
Le sel, les tuiles Faveur, l'or
Les jetons Inspiration
Et le tuiles Cours universitaire


📢Et c'est parti !... Finalement, c’était peut-être plus simple d’être étudiant que directeur…


👦Maintenant que tout est prêt cher professeur, qu’est-ce qui est le plus important pour l’université ? 

Bien former nos étudiants ? 

💂Que nenni mon brave, votre naïveté est presque touchante, le but c’est le prestige pour avoir des subventions. 

👦Et pouvoir mieux former nos étudiants ?

💂Oui voilà, on va dire ça. Qui m’a encore refilé un prof idéaliste ? Bon je lui donne 3 mois avant de me reconvertir en éleveur de chameaux dans le Bandiagara (c’est l’équivalent malien des chèvres dans le Larzac), cynique ? Moi ? Non. 


Le but est donc d’acquérir le plus de Prestige jusqu’à ce que la medersa soit complète. 


À son tour, on doit réaliser 2 actions différentes parmi :


Enrôler un étudiant : on prend le premier étudiant d’une des 4 pistes du plateau, on fait éventuellement l’action Faveur si indiquée ; les actions « décomptes de Livres et de Prestige » se font à la fin. L’étudiant est placé en bas de sa piste de cours, sous le cours de sa couleur (si ce n’est pas possible, l’étudiant ne peut pas venir étudier chez vous pour le moment, la saturation des amphithéâtres était déjà un fléau).


Prendre un cours : défausser un Livre de la couleur du cours souhaité. Le cours peut être n’importe lequel de ceux visibles dans la réserve. Le cours est placé n’importe où sur son plateau, en respectant toutefois l’étage indiqué par la tuile. Un cours peut en remplacer un autre (par exemple : on vient de supprimer le cours de sécurité du consommateur pour ouvrir un cours sur « comment soigner le cancer de votre enfant après l’utilisation de néonicotinoïdes »).


Diplômer un étudiant : on prend un étudiant, quel que soit son niveau d’études au-delà du premier, on défausse un Livre et on le pose sur le diplôme de sa couleur et de son niveau d’étude.


Prendre une Faveur : on choisit un bonus disponible en fonction de l’emplacement du jeton éponyme. Puis on ajoute une tuile Faveur, qui va bloquer deux emplacements pour le Prestige (un bakchich = moins de Prestige), ou alors on retire une tuile Faveur sans rendre le bakchich, donner c’est donner, reprendre c’est voler, d’abord.


Donner un cours (eh oui, il faut quand même passer par là à l’université). On choisit un de ses étudiants, que l’on place sur la tuile au-dessus, lui permettant immédiatement l’activation des tuiles Compétence, voire un bonus s’il est de la couleur du cours. On active la zone correspondant au cours (certaines activations de zone plus intéressantes nécessitent un cours magistral, soit la présence de deux étudiants qui écoutent le prof, mais un seul des deux évoluera). Pour finir, on monte l’étudiant au-dessus du cours s’il y a de la place ; sinon, il est viré de la fac sans autre forme de procès.


Les zones de cours : pour commencer, on calcule notre puissance, définie par la somme du nombre d’étudiants manquants sur la piste de la zone activée, du nombre de bâtiments à soi déjà posés sur cette même zone, et d’éventuels bonus de cours.


L’astronomie : on fait avancer son chameau le long des routes d’Afrique. Si on finit sur un village, on défausse un Or pour y placer un comptoir et gagner 2 Sels. Quand on arrive en ville, on bat l’avoine, pardon : pour 2 à 3 Ors, on place le comptoir sur un des 3 emplacements pour un bonus plus important, puis son chameau rentre à Tombouctou avant de repartir.


La théologie : moyennant du Sel, on place une mosquée pour gagner un Livre ; sur les cases plus lucratives, on obtient d’autres bonus.


Les mathématiques : on place un mur sur un côté de la medersa, moyennant 1 à 2 Livres. Cela octroie de l’Or et l’activation d’une des tuiles Sankoré en regard du mur. La logique dans l'histoire ? Aucune. 


Oui, vous l’aurez compris, on vient de créer le commerce triangulaire : du Sel pour avoir des Livres, qui permettent d’avoir de l’Or, pour acquérir du Sel… malin, Mansa Moussa !


Le droit : moyennant du Sel, de l’Or ou des Livres, on peut acquérir des tuiles Compétence, qui s’activeront pendant les cours, et éventuellement récupérer les bonus non pris lors des deux décomptes que nous verrons plus bas.


Certaines activations de zone font récupérer des tuiles Sankoré, donnant un bonus immédiat, puis placées dans la medersa (elles seront activées lors des cours de mathématiques), rapprochant la fin de partie. D’autres donnent des jetons Prestige, à placer directement dans une zone disponible de notre plateau, donc non bloquée par une tuile Faveur.


Les actions bonus : elles nécessitent de défausser un jeton Inspiration pour prendre un Livre, obliger un étudiant à changer de filière (tu voulais faire médecine ? Eh bien te voilà en LEA coréen, bisous et bonne journée… L’ancêtre de Parcoursup ?), ou le promouvoir d’un niveau, l’exemptant de cours (et on remercie papounet pour son don à l’université)

En sus, on peut valider une carte Objectif donnant un bonus permanent pour la suite de la partie.


Les Livres utilisés et défaussés vont tous, sans exception, dans la Bibliothèque, sur l’étagère de son choix, en attendant le décompte final.


Lorsque l’étudiant entraînant un décompte de Livre ou de Prestige est récupéré, à la fin de son tour on regarde, pour chacune des 4 parties de la zone de cours décomptée, qui a le plus de bâtiments : ce dernier récupère le Livre ou le Prestige en jeu.


Si personne n’a de bâtiment dans un lieu décompté, le jeton va sur le fronton de la couleur de la zone, au niveau des cours de droit, avec le jeton Prestige du décompte. Ces derniers seront récupérés par le premier joueur à faire un cours magistral dans cette partie du cours de droit.


Au fur et à mesure de la partie, on récupère des pions Sankoré, qui vont se placer dans la medersa. 


Le plateau de Mme J en fin de partie

La zone du Droit

La zone d'Astronomie

La zone de Théologie

La Bibliothèque en fin de partie


🏁 Quand cette dernière est complète, la partie prend fin.


📝 On passe au décompte : pour commencer, on regarde, pour chaque pion Sankoré de la medersa sur sa face Prestige, qui a le plus de murs en regard. Ce dernier gagne le jeton, lequel rapporte des points de Prestige.

Puis on regarde la Bibliothèque : cela permet de déterminer la valeur de chaque couleur de Prestige. La couleur de Livre majoritaire dans chaque étagère vaut 2, et les deuxièmes valent 1. Ces valeurs sont cumulatives d’une étagère à l’autre.

Pour finir, on multiplie chacune de ses icônes Prestige (que l’on retrouve sur les jetons, sur ses diplômes, dans les zones de bâtiments, sur certains cours et sur les jetons Sankoré récupérés de la medersa) par leur valeur déterminée lors de l’analyse de la Bibliothèque.


Ce score définira qui sera vainqueur 🏆 et verra tous ses étudiants diplômés (ce n’est pas pour autant qu’ils auront un job, malheureusement).

💀 Les perdants, eux, verront leurs universités fermer faute de subventions : ils n’avaient qu’à faire des examens plus simples plutôt que d’essayer de leur inculquer des valeurs…


👥À 2 joueurs, on remplace la piste d’étudiants par une plus courte.



👀


Aspect :

Le côté foisonnant de matériel dans une magnifique boîte orangée ne peut que donner envie. Le matériel est de belle qualité et agréable à manipuler ; franchement, entre le bois et les tuiles épaisses et colorées, on n’a qu’une envie : se plonger dans les règles, surtout après la demi-heure passée à le mettre en place.


En revanche, l’iconographie est loin d’être évidente et ça ralentit inévitablement les parties. Par exemple, un consensus veut que, s’il y a une séparation entre 2 gains sur une tuile, on choisit lequel on gagne. Eh bien, pas là : on va mettre une séparation en pointillés pour dire « et », parce que ce serait trop simple.

Idem sur les tuiles Sankoré : parfois on prend une tuile Sankoré, parfois du Prestige, et parfois les deux, pas de jaloux…

Enfin bon, on se plonge dans les règles, et quelle galère ! Le fait qu’elles soient très fournies n’est pas franchement le problème (on en a vu d’autres), mais quand même, rien qu’au niveau des termes employés, ça manque de cohérence. 

Exemple : le terme « éléments », que l’on trouve lors du décompte final : on l'a cherché très longtemps dans le texte, pour le retrouver tardivement dans les titres de la page 5.

Ce sont de petites choses, mais pour un jeu de cet acabit, la clarté devrait être un maître mot… et là, ce n’est pas le cas.


Niveau mécanique :

C’est extrêmement bien rodé : la stratégie en triangle pour l’acquisition de ressources est aux petits oignons et vous empêche de vous sur-spécialiser.

Tu veux faire que des murs parce que les maths, c’est ton kiff ? Déjà, va voir un psy, et ensuite, sans Livres, tes ambitions de mur trumpiste vont être avortées rapidement. Du coup, un peu de religion pour combler ses manques littéraires, et un peu d’observation d’étoiles pour le Sel qui servira de monnaie aux libraires théologiques.

Et là, j’ai un rab de Sel, donc petit tour en droit pour potentialiser la création du mur — peut-être que le maçon sera plus réactif comme ça.

La partie s’enchaîne ainsi pendant 2 heures, le tout avec une interaction entre les joueurs assez faible.

Alors oui, on se vole des emplacements de bâtiments, mais ça reste assez anecdotique et peu volontaire. Perdre un tour pour bloquer un autre joueur risque d’être bien plus délétère pour sa propre stratégie qu’autre chose… sauf si les volontés coïncident.


Au final, un jeu très bon mécaniquement parlant, mais qui nous a laissés très froids : on joue sans se regarder ni se parler pendant 2 heures. Il n’y a pas vraiment de montée en puissance pendant la partie, ce qui rend certains tours peu productifs en fin de partie, le temps de faire monter en grade quelques élèves.


Le jeu n’est pas mauvais, loin s’en faut, mais il nous a autant captivés que la dernière déclaration d’impôt… sauf que là, on n’a pas le choix de la faire, sauf si l’on est ministre, bien entendu.


👉Alors, à 2, c’est mieux ?


À 2 joueurs, on réduit la piste d’étudiants sous chaque zone de cours, donnant plus rapidement accès au décompte de Livres et de Prestige, ce qui accélère un tantinet la partie.


La course pour les tuiles Sankoré, et pour essayer de dominer les différents cours avant qu’un décompte arrive, est toujours présente. En sachant qu’on ne pourra pas maîtriser tous les cours, il faudra choisir : on n’est pas Hermione Granger, et on n’a pas de retourneur de temps, que je sache.


Mis à part ça, il n’y a pas d’autre réel changement.


Les parties, à l’exception de leur durée qui, à 4, frôlent celles de l’épreuve du bac de philo (l’odeur de transpiration en moins... quoique...), vont se ressembler quel que soit le nombre de joueurs.


Alors attention : le jeu n’est pas mauvais, les mécaniques sont travaillées, tout roule plutôt bien. Mais nous n’avons absolument pas réussi à rentrer dedans et, malgré ses qualités indéniables, le manque de clarté de l’iconographie et le côté quasi autistique de la partie, où l’on ne se regarde pas ni ne se parle (et on félicitera tout de même les auteurs d’avoir réussi à maintenir silencieuse Mme J aussi longtemps ; depuis que je n’ai plus de chatterton, je n’ai jamais pu réitérer l’exploit), ne nous a pas donné envie de retenter l’expérience. Il a donc rejoint le banc de l’occasion.


Maintenant, épreuve de philosophie selon Mansa Moussa : pour s’amuser, le jeu doit-il être amusant ? Vous avez 4 heures et j’attends au moins une citation d’Aristote.

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