Rédac’chef : frénésie à la Une.


Un jeu de Peter McPherson, illustré par Ian O'Toole et édité par Lucky Duck Games. 


Instant Wikipédia : 

Le premier journal écrit apparaît en 1605 en Alsace, créé par Johann Carolus. Il faisait quatre pages et s’intitulait "Relation aller Fürnemmen und gedenckwürdigen Historien".

Oui, je sais que ça donne l’impression de se faire insulter par une Allemande maniant une grosse saucisse pendant qu’on est attaché au radiateur, mais bon, c’est l’alsacien qui veut ça, car en réalité cela veut simplement dire « Communication de toutes histoires importantes et mémorables ». C’est un peu décevant, mais plus réaliste.

Peu de temps après, en 1645, la reine Christine de Suède lança son propre journal, le POIT, ou "Post Och Inrikes Tidningar" ; ça parle tout autant que la version alsacienne de la première feuille de chou.

Sa publication en version papier perdura jusqu’en 2006, avant de devenir une exclusivité Internet.

En France, "La Gazette" vit le jour le 30 mai 1635 grâce à Théophraste Renaudot (d’aucuns connaissent maintenant l’origine du nom de leur rue), avant d’être renommée, le 30 septembre 1915, Petites Affiches.

Le plus vieux quotidien français encore en activité n’est autre que "Le Figaro", fondé en 1826 sous la forme d’un journal satirique. On peut dire que sa vocation originelle est oubliée depuis moult années…


Mise en place : 5 minutes 

Règles : 10 minutes 

Temps de partie : 30 minutes 

Âge : 8 ans

Type de jeu : placement de tuiles, rapidité, organisation 

Thème : conception d'une Une d'un journal papier. 



💂— Euh, Mme J, il fait quoi, Sirius, le chat, avec un stylo scotché à une patte, un bloc-notes sur l’autre et une casquette en tweed ?

💃 — Hein ? Ah, pour le tweed, il a mangé un rat londonien, et ça lui a donné des idées vestimentaires.


💂— Alors, la matière de l’habit n’était pas ce qui me choquait le plus…


💃 — Pour le journalisme, il a commencé par se faire tous mes Tintin, puis, très jaloux de Milou, il est tombé sur mes VHS de Demain à la Une, et ça lui a donné une vocation…


💂— Et tu le laisses faire ? Un chat journaliste ?


💃 — Il y a bien Léa S. sur France 2 ; on est sur le même niveau… sauf peut-être qu’elle ne fait pas un nettoyage anal par son appendice lingual après avoir fait ses besoins. Quoique…


💂— C’est pas faux…


💃 — Donc un animal ne peut pas faire pire, et comme il ne parle pas, ça ne peut être que mieux.


💂— Par contre, c’est la presse écrite qui le passionne : l’écriture risque d’être son point faible.

À nous de faire sa mise en page et de voir lequel de nous deux confectionnera la meilleure Une.


C’est ainsi que Le Jackal Ob’s vit le jour…


Mise en place : 

Chaque joueur prend son plateau Une et le place sur sa face vendredi/samedi. Il prend une tuile Tribune de départ qu’il place sur son plateau ; les Tribunes restantes sont placées sur le côté.

Chaque joueur prend un bureau qu’il place près de son plateau, et voilà les journalistes prêts à travailler. Pour travailler, il faut des sujets : Sirius, au boulot ! On place l’ensemble des 120 tuiles Journal faces cachées entre les joueurs.

On place un jeton Bouclage par joueur au-dessus, et, si vous voulez jouer en mode expert, il vous faudra placer les trois decks de cartes Flash Info à côté.

Chacun prend une carte Journaliste (carte de presse) lui donnant un pouvoir spécial asymétrique.

Un joueur prend un chronomètre et le règle sur 3, 4 ou 5 minutes selon la vélocité des joueurs, et la mise en page peut débuter !

📢 Vite, l'information n’attend pas, comme dirait Aymerick L.


Un journal bleu et une Tribune de départ

Un journal bleu et une Tribune de départ
On peut observer l'étoile qui doit être couverte par la Tribune

Les objectifs Flash Info

Les tuiles Journal

Les journalistes

Les Flash info, vue éclatée


La partie se joue en trois manches : 

La première sur la zone limitée du vendredi, la deuxième, plus large, sur le samedi, et la dernière, au verso, sur le dimanche.

Quand tout le monde est prêt, le maître du temps lance le chronomètre, et tous les joueurs partent en quête du sujet du siècle, tous en même temps : la vérité est pressée.


Pour cela, d’une seule main, les joueurs prennent une tuile Journal au centre, la regardent et :

- soit acceptent l’information en posant la tuile sur leur bureau ;

- soit la réfutent (tous des vendus, ces journalistes : ils ne publient que ce qu’ils veulent, aussi vrai que la Terre est plate #complotiste) et reposent la tuile face visible au centre, la rendant accessible à tous.


Il existe trois types de tuiles Journal : les articles, les photographies et les pubs.


Dès qu’un joueur estime avoir le nombre de tuiles adéquat pour boucler sa Une, il dit « maquette ». 

Sa deuxième main redevient fonctionnelle : il prend alors toutes les tuiles Journal récupérées et les agence au mieux sur son plateau, en faisant attention à :

– ne pas déborder : la marge doit être respectée (un souvenir de rédaction de thèse fort frustrant) ;

– maintenir sa Tribune sur la case étoile de son plateau ;

– orienter toutes les tuiles dans le sens de lecture ;

– faire en sorte qu’aucune photographie ne soit adjacente à une autre photographie, idem pour les pubs (qui ne doivent en toucher aucune autre), ni pour les articles de même couleur ;

– en mode expert, respecter également la carte Flash Info du jour en cours.


Dès qu’un joueur pense avoir la Une parfaite, digne d’un Pulitzer, il dit « tirage » et prend la tuile Bouclage au plus faible numéro restant. Il n’a dès lors plus la possibilité de toucher à quoi que ce soit, et les tuiles Journal qu’il n’a pu placer sur sa Une retournent sur son bureau.


Décompte

À la fin du temps réglementaire, on procède au décompte :

– les points indiqués sur ses articles ;

– les points des photos, en fonction de ce qui leur est adjacent ;

– les points de sa Tribune ;

– le cas échéant, les points octroyés par la carte Flash Info ;

– ensuite, chaque tuile Article indique un ou deux smileys heureux ou malheureux (symbolisant un article positif : baisse du prix des jeux de société, ou négatif : Bruno Cathala se reconvertit en professionnel du twirling-bâton et arrête le jeu de société).

On soustrait le plus grand nombre d’un type de smiley par le plus petit, et la différence est scorée en négatif. Votre journal est neutre : point de bonheur à outrance — ce n’est pas Le Journal de Mickey — ni de désespoir à grande échelle — ce n’est pas Le Monde.

– chaque joueur regarde sa plus grande zone vide : celui qui a la plus petite gagne 3 points, la plus grande perd 1 point, et un bonus de +1 est attribué si votre Une est pleine (je vous laisse le soin d’imaginer toutes les blagues grivoises qu’on peut associer à cette allocution) ;

– on perd 1 point par tuile Journal restée sur le bureau.


Vous obtenez ainsi le score de la manche.


Pour les pubs, on note à part le nombre de symboles « $ » visibles sur chaque tuile.


Nouvelle manche

À chaque changement de manche, l’ensemble des tuiles Journal retournent au milieu, mélangées et faces cachées, avec les autres, sauf celles restées sur le bureau.

On change de Tribune : le joueur ayant la tuile Bouclage de plus faible valeur sera le premier à choisir une Tribune, puis le choix se fera dans l’ordre du Bouclage ; la Tribune restante est défaussée.

La carte Flash Info est également changée.


🏁 Fin de partie

Le dimanche soir, la 3e manche, les journalistes en herbe additionnent leurs scores des trois jours, puis additionnent le nombre de symboles « $ » qu’ils ont acquis sur le week-end.

Le joueur en ayant le moins est tout bonnement éliminé, sans autre forme de procès, et pourra se recycler en faire-valoir TikTok pour McFly et Carlito.


Le journal de Mme J, dimanche


🏆Le joueur ayant le plus de points est sacré vainqueur et pourra remplacer John Jonah Jameson en tant que rédacteur en chef du Daily Bugle, 💀 pendant que les perdants deviendront rédacteurs de fake news pour Valeurs actuelles.


👥 À deux joueurs, il y aura le choix entre trois tuiles Tribune au début de chaque manche, et le joueur ayant le moins de dollars en fin de partie n’est plus éliminé : à la place, il perd 10 points s’il y a plus de 5 $ d’écart avec le joueur en ayant la majorité.


👀

Niveau matériel, c’est très qualitatif : les tuiles sont épaisses et les illustrations bien réalisées. On apprécie d’ailleurs le soin du détail, avec les titres d’articles amusants et le sens des écritures au verso qui indique celui de l’article au recto.


Les cartes sont également très belles, et les animaux, dans un style Blacksad, sont particulièrement réussis.


On regrette un peu la taille de la boîte, qui rend le rangement laborieux, ainsi que les règles, qui auraient pu gagner en fluidité et en clarté, surtout sur le décompte des points, le rendant trop laborieux pour un jeu de cet acabit…


Un jeu frénétique sur la presse : voilà une thématique plutôt originale et qui donne envie.


❓Reste à savoir si l’ambiance est dans un style Le Monde (Donald Trump annonce une taxe de 100 % sur les produits pharmaceutiques) ou Le Dauphiné (l’Asiatique voleur de slip et de saucisson avait sept identités…)

Perso, je suis plus slip et saucisson.


Les jeux frénétiques, avec des mains qui partent dans tous les sens, me font toujours un peu peur : peut-être la peur de perdre une dent à cause d’un totem de Jungle Speed volant, ou une phalange sous une chevalière lors d’une partie de bataille corse avec Dominicu… Et pourtant, là, ça marche très bien ! Le grand nombre de cartes et le fait qu’on n’a pas vraiment le temps de s’occuper des autres pendant la conception de la Une donnent une dynamique très intéressante à la partie.


En théorie, on pourrait retourner un article, se dire posément : « Cet article rose siérait à merveille au hibou adverse, je vais le garder et advienne que pourra. »

En vrai, on se dit : « C’est quoi cet article foireux sur Josette qui collectionne les ratons laveurs empaillés à Hénin-Beaumont ? »

À peine reposé, qu’une main emplumée avide le récupère l’air de rien ! Mais ce n’est pas grave : j’ai enfin une pub sur des cigarettes goût moquette pour aller à côté de l’article sur la recrudescence du cancer du poumon chez les femmes de fumeurs de saumon à l’aneth…

Après tout, le vol de scoop chez les journaleux est fréquent, et c’est seulement après coup qu’on s’aperçoit qu’il faut faire un choix, parce que ça ne rentre pas. Et, encore après avoir fait un score du tonnerre, on voit que notre journal transpire la dépression ; et paf, grosses pertes de points ! La négligence des sponsors risque même d’entraîner une élimination directe… Il va falloir se reprendre si on ne veut pas que notre feuille de chou finisse comme allume-feu pour le prochain barbecue de Gérald.


En plus de cela, les Tribunes donnent un scoring différent chaque jour et pour chaque joueur, et le Flash Info (cartes indispensables, à notre avis, pour renouveler les parties) oblige à modifier sa stratégie à chaque journée, donnant une belle rejouabilité et un renouveau bienvenu à chaque manche.


Au final, c’est rapide, frénétique et jubilatoire : quand notre prévision s’avère coller parfaitement pour un remplissage optimal de sa Une, on se sent comme Bison Futé une veille de départ en vacances… et l’ensemble du matériel permet des temps de jeu différents à chaque fois.


👉Alors, à deux, c’est mieux ?


Alors, pour nous, oui, très clairement — et il ne quittera d’ailleurs jamais cette configuration.


Mais pourquoi donc, mon cher Mr J ?


Il y a une mécanique que je déteste dans le jeu de société : l’élimination directe.

Prenons l’exemple de Bang!, le jeu où tu peux être éliminé au bout de sept minutes de partie, et après, il ne te reste qu’à scroller sur ton portable pour voir les tréfonds de l’âme humaine (environ sept secondes sur TikTok pour y arriver, et deux fois moins pour les lecteurs de National-H).

Passer ensuite une heure à regarder les autres jouer est, pour moi, l’antithèse du jeu de société.

Après, chacun ses goûts : il y en a bien qui aiment le fenouil, après tout.


Là, ce côté « tu passes trois manches à essayer de monter une stratégie, vaille que vaille malgré le temps qui court, court… pardon, court toujours » et te voir entendre : « Non, tu n’avais qu’à prendre plus de pubs ! Voilà un briquet, de l’alcool à brûler, sors le rosé et va cuire les brochettes de dindons pendant qu’on compte nos points », ne nous plaît pas.

Qu’il y ait un malus, OK ; une élimination, c’est trop violent à notre goût.

Et c’est pour ça qu’on n’y jouera qu’à deux : un peu de frustration, d’accord ; là, c’est comme mettre Pascal P devant un charter et lui interdire les remarques racistes : il n’y survivrait pas.


Après, en vrai, l’interaction est très limitée (pas le temps) et la dernière manche peut être le moment où l’on accumule les pubs pour finir comme sur le site du Monde, où il y a plus de pub au pixel carré qu’il n’y a d’ångströms entre Le Gorafi et la vérité.

Le jeu arrive à marier à merveille la frénésie et le côté calculatoire, ce qui fait qu’on passe de très bonnes parties, même si on a pris le parti de n’éliminer personne lors du décompte, et de faire comme lors des duels : avec un gros malus.


Alors, soyez un bon journaliste : racontez aujourd’hui ce qu’il s’est passé hier, et oubliez le demain — mais le plus vite possible.

De toute façon, à part la rubrique naissances et nécrologie, on ne prend le journal que pour la page mots croisés, non ?

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