Viticulture, édition essentielle : allez, viens boire un p'tit coup à la maison...


Un jeu de Morten Monrad Pedersen, Alan Stone, Jamey Stegmaier, illustré par Beth Sobel et édité par Matagot.


Instant Wikipedia : 

Le prosecco est un vin blanc pétillant italien existant depuis le 2e siècle av. J.-C. (cela explique peut-être pourquoi tout le monde a cru Marie vierge, un peu de blanc et tout fout l’camp), Livie lui confère des vertus de longévité, et si c’est la femme de l’Empereur Romain qui le dit c’est que c’est vrai (en même temps, elle meurt à 87 ans, ce qui pour l’époque est plutôt honorable)… 

Il est issu de cépages de type glera, et même si de base il est fabriqué à Prosecco dans la région du Trieste italien, il est de nos jours produit dans 5 régions de Vénétie et 4 de Frioul-Venetis. 

Le prosecco commence à s’exporter de façon mondiale à partir des années 2000 avec le spritz et sera au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2019.


Mise en place : 15 minutes

Règles : 15 minutes

Partie : 1 heure

Âge : 10 ans

Type de jeu : pose d’ouvrier, gestion de contrats, construction de moteur. 



L’alcoolisme, fléau des temps modernes : 11,7 litres d’alcool pur par an pour les personnes de plus de 15 ans en France (6e rang mondial dans la consommation d’alcool de l'OCDE), et comme 21 % des femmes enceintes continuent à picoler pendant la grossesse, ce n’est pas prêt de s’arrêter. 

Devant ces chiffres abominables, une seule conclusion logique s’est imposée à nous, et tel le messie transformant l’eau en pinard pour nous montrer la voie, ni une ni deux, on a pris un motoculteur à Gamm Vert et nous voilà à planter des vignes dans le jardin pour (tenter de) faire le meilleur vin du coin. 


Mise en place : une fois le plateau de jeu déployé au centre de la table et les decks de cartes placés en fonction de leur couleur dessus, chaque joueur prend son plateau personnel, les bâtiments, coqs, et étoiles de sa couleur. On place 2 cartes ouvriers spéciales au-dessus du plateau principal. 

Pour finir, chaque joueur choisit un papa et une mama parmi 2 : 

- les mamans donnent des ouvriers et des cartes

- les papas donnent de l’argent ou un bâtiment construit gratuitement, 

Puis on place son jeton sur la piste des points de victoire et son jeton royalties sur le 0 du plateau. L’argent et les billes de verres sont placés sur le côté et nous voilà fin prêts pour relayer les Petrus et autres Gewurztraminer au rang de vins de cuisine.


Plateau central et plateaux joueurs


Cartes vignes

Cartes Saisonniers d’été

Cartes Saisonniers d’hiver

 Cartes Commande

Cartes de l'extension Toscane


La partie se déroule en année, elle-même est découpée en 4 saisons, et se termine lorsqu’un joueur atteint 25 points de victoire.


🌳Au printemps, le premier joueur pose son coq pour définir ses bonus de l’année en choisissant l’heure de lever des ouvriers, mais aussi l’ordre du tour de l’année en cours (plus ils se lèvent tard plus le bonus est intéressant, mais plus le joueur jouera tard dans le tour), seul le joueur choisissant la ligne 7 pourra devenir premier joueur, et poser son coq en premier l’année suivante. 

En gros, le premier joueur ne sera pas forcément le premier dans l’ordre du tour sur l’année, mais le redeviendra au printemps qui suit si aucun coq n’est sur la ligne 7.


Puis les joueurs, dans le nouvel ordre du tour, peuvent poser un ouvrier sur une action du printemps, chaque zone est limitée en fonction du nombre de joueurs, et seul le chef ouvrier peut être joué dans une zone déjà complétée.


Les actions du printemps permettent de récupérer des cartes vignes, faire visiter son domaine pour récupérer des sous, poser un bâtiment moyennant finance (bâtiment en bois ou carte orange), ou poser une étoile dans une zone de l’Italie pour gagner le bonus (peu importe si d’autres étoiles s’y trouvent). 


🌻 En été, on avance son coq, gagne le potentiel bonus, puis on peut jouer ses ouvriers (sans limites de nombre cette fois) sur la zone de l’été pour : planter des vignes dans les champs en respectant la capacité maximum de ce dernier (certaines nécessitent un bâtiment spécial), jouer une carte ouvriers d’été, échanger des ressources contre d’autre ou vendre un de ses champs vides, ou le racheter.


🍂 En automne, on fait la même avec le coq, puis on peut jouer ses ouvriers sur la zone automne pour : récupérer des cartes commandes, vendanger un champ, convertir du raisin en vin ou construire un bâtiment, ou gagner 2 lires. 


🍇Vendanger consiste à compter la valeur en vin rouge et en vin blanc d’un champ, et de poser un marqueur en verre sur la valeur correspondante de vos cuves à raisin en fonction de sa couleur. 


🍷Fabriquer du vin consiste à passer votre raisin en la même valeur en vin de couleur identique tout en respectant la taille de votre cave. On peut mélanger du blanc et du rouge pour du rosé, et beaucoup de rouge et un peu de blanc pour du prosecco si votre cave est assez performante. 


⛄ Et c’est alors qu’on arrive à l’hiver où on avance son coq, récupère les bonus éventuels et on fait les actions d’hiver. 

S’il reste des ouvriers, on les place sur la zone hiver pour : jouer une carte ouvrier d’hiver, embaucher un nouvel ouvrier disponible l’année suivante (4 £ pour un ouvrier de base et 5 pour un ouvrier spécial avec son pouvoir associé), vendre une bouteille de vin, ou honorer une commande. 

Il existe aussi une zone où tout le monde peut aller pour de l’argent ou une carte bâtiment orange. 


📋Honorer une commande consiste à défausser une carte violette avec les bouteilles de valeurs et de couleurs demandées contre des points et des royalties. 


Vous l’aurez compris, chaque ouvrier ne fait qu’une action par an, manquerait plus qu’ils fassent grève parce qu’ils se lèvent trop tôt…


À la fin de l’hiver, on avance d’un cran tous nos raisins et vins dans les caves (dans la limite de leurs tailles), il vieillit (sans se bouchonner lui…), on gagne nos royalties en argent avec un maximum de 5 £, et on défausse ses cartes non jouées si on excède 7 cartes dans sa réserve.

Puis tout le monde rentre se préparer à la nouvelle année…


📝Dès qu’un joueur atteint 25 points, la partie s’arrête, on ajoute les points de ses étoiles sur l’Italie.

🏆Le vainqueur verra son vin remplacer le Pomerol rouge 1985 dans le cœur et la gorge des œnologues,💀 les perdants verront leurs vins remplacer les beaujolais nouveaux dans les vomis des étudiants en médecine…


Un plateau joueur en cours de partie

Un plateau joueur en cours de partie avec l'extension Toscane

Le plateau en fin de partie à 2 joueurs avec l'extension Toscane


À 2 joueurs, il n’y a qu’un seul emplacement disponible par action. 


👀

Nous avons pris le choix de parler immédiatement de la version essentielle avec l’extension Toscane, car après avoir testé avec et sans, on s’aperçoit vite que cette extension est indispensable pour agrémenter la qualité du jeu et le plaisir du joueur. 


Le matériel est de très bonne qualité, tout est épais, solide, clairement illustré et ne laisse que peu de place au doute, on apprécie d’ailleurs tout particulièrement manipuler les billes de verre plates pour en faire du vin ou du jus de raisin avant la macération et les petits bâtiments de bois. 

Les illustrations sont sur la gamme du réalisme, on ne laisse que peu de place dans l’imaginaire ici, un jeu à l’allemande dans ses grandes largeurs. 

Si on veut être tatillon, on aurait aimé que les pièces soient un peu moins simplistes, les jeux de marchands de Mini J en ont des semblables, mais encore une fois c’est pour être tatillon.

Par ailleurs, le plateau en italien compris dans la boîte de base n'est pas franchement utile si on n'a pas fait italien 2er langue au collège.


Un jeu de pose d’ouvrier dans toute sa splendeur, un nombre d’actions identique où il faudra toujours essayer de voir à long terme ses actions et anticiper au maximum si on ne veut pas se faire chiper la place. 

Dès le printemps, il faut faire le point sur les actions indispensables pour sa stratégie et celles un peu plus subsidiaires pour définir l’ordre du tour et les bonus qui vont avec. 

Pour cela il faudra surveiller les jeux adverses.

💭Si tout le monde a besoin de vignes, il va falloir que je place mon coq haut dans la colonne, et tant pis si les ouvriers font la gueule parce qu’on les lève à 5 heures du matin pour faire leur métier (et pas pour retrouver un p#*% @n de doudou perdu dans le lit…) diminuant le bonus, ou anticiper la manche suivante en leur laissant une grasse mat' pour avoir un ouvrier saisonnier bonus et être sûr de poser mon coq en premier l’année suivante, mais pour n’avoir que les restes en actions disponibles cette année où il va falloir que je m’adapte pour ne pas la gaspiller, et c’est là où savoir quand poser ou non son ouvrier en chef est primordial. 

Dépenser ses sous qui n’arrivent que trop rarement, ou vendre son vin au plus offrant devra toujours être bien calculé pour éviter les erreurs qui peuvent être très punitives.


Les premiers tours sont assez pauvres en points de victoire et semblent un peu ternes, voire répétitifs.

Puis on commence à se créer un moteur de vignes et de bâtiments pour potentialiser ses actions, on augmente son pool d’ouvriers donc son nombre d’actions, on améliore son vin, on part d’un beaujolais bas de gamme pour finir avec un grand cru digne des meilleurs sommeliers d’Italie, et c’est là qu’il ne faudra pas rater l’accélération subtile pour éviter de se retrouver à la traîne et de regarder le cul de la bouteille adverse nous faire coucou sur la ligne d’arrivée. Car une fois la partie bien en place, tout s’accélère et la fermentation se fera à froid et en vitesse pour que le cousin Jean Relou trouve un petit goût de banane à votre premier cru Montagne Saint Ludique… 

Et si vous la manquez, cette petite accélération, votre vin aura juste un goût un peu trop cuit dans le bœuf bourguignon de mamie…


Un jeu de pose d’ouvrier expert qui a maintenant quelques années, loin des supers productions au matériel qui feraient pâlir un représentant de Weta Workshop, Viticulture reste d’actualité et toujours extrêmement plaisant à sortir.
La version essentielle est indispensable tant elle ajoute au gameplay et en asymétrie, et donc au plaisir de jeu, avec ses bâtiments orange qui peuvent revisiter une stratégie aussi rapidement qu’un mildiou se développe dans un champ de grenache noir.


👉Alors, à 2 c’est mieux ? 


Les jeux de pose d’ouvrier en duo peuvent parfois se montrer punitifs pour le 2e joueur, si les emplacements escomptés son toujours pris par le premier joueur et les stratégies jamais menées à leur terme, cela peut être un brin frustrant. 

Ici on pourrait s’attendre au même inconvénient avec la réduction à 1 case par action possible. 

Pourtant, les différentes mécaniques permettent de pallier ce problème. 

Entre l’ouvrier en chef qui peut être posé sur une action déjà occupée par l’adversaire sans l’éventuel bonus associé, la possibilité de construire des bâtiments qui remplacent les actions de plateau (le joug, certaines cartes oranges…), ou tout simplement le coq de départ qui permet de jouer avant le premier joueur en fonction des bonus à récupérer, font de ce jeu une vraie réussite où la thématique est parfaitement incorporée dans la mécanique.

Et même si à la fin de la partie, point de sentiment d’ébriété (et on ne peut pas s'en servir comme excuse foireuse pour rester dormir chez votre partenaire en toute innocence bien évidemment…), on passe un très bon moment d’affrontement bien tendu, et rien n’empêche d’avoir un verre de côte de Grave sur la desserte à côté de la table de jeu. 


Pour la thématique, je la dis parfaitement respectée, mais les aficionados du pinard risquent d’en casser leur verre à ballon en voyant qu’on fabrique du rosé en mélangeant du blanc et du rouge (le coupage n’est autorisé qu’en région Champagne), idem pour le prosecco, mais c’est un détail nécessaire à la mécanique. 


Par ailleurs, le fait de devoir planifier ses actions sur l’année, puis de modifier toute sa programmation si jamais l’adversaire a décidé de vous mettre un grappin à vendange dans les pattes, donne à ce jeu une vraie valeur stratégique tout au long de la partie qui marche parfaitement bien à 2 joueurs comme à plus.

C’est avec plaisir que ce jeu sort pour des parties toujours acharnées, mais où il n’est pas rare de se faire distancer pour une erreur de vinification qui paraissait à la base sans conséquence et qui finit par gâcher toute la production… 


Le seul bémol vient des ouvriers spécialisés dont la capacité n’est pas toujours adaptée à 2 joueurs, mais il sera toujours possible de les remplacer par d’autres le cas échéant.


Un jeu à consommer sans modération, en soirée ou en apéro, on ne sera jamais déçu parce qu’il est trop frais, trop vert, pas assez boisé, trop tannique, et surtout, il n’y aura pas besoin de le faire tourner 5 minutes dans un verre pour en fleurer les effluves et sortir qu’il est très bon pour se la raconter au restaurant du « Ludiste Rôti » alors que c’est un Chinon 2022 à 4 € à Super U, mais que vous avez payé 13 € pour vous montrer grand seigneur auprès de votre conquête. 


Aller, viens boire un petit coup à la maison, y a des jeux, des rires et du saucisson…  

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