Karvi : une bière pour dominer les norois


Un jeu de Torgeir Tjong, illustré par Ingram Schell et édité par Hans Im Glück.


Instant Wikipedia 

Le drakkar, bateau viking par excellence, est utilisé dans toutes les représentations vikings, ou presque, est en réalité une aberration linguistique. 

Déjà d’un point de vue orthographe (mon domaine de prédilection, c’est bien connu) drakkar ne devrait prendre qu’un seul K, et ensuite drakar est le pluriel de drake signifiant dragon. 

Les Vikings reprirent le terme dreki pour désigner la figure de proue sculptée à l’avant du bateau. 

Pour faire simple, Régis Boyer disait : « partir sur son drakkar » équivaut à la phrase « partir sur son chevvaux », ce qui heurte l’oreille et l’œil, a minima. 

Pas si con ce Régis finalement. 

Le drakkar est donc un terme très imprécis qui désigne en général un bateau muni de 2 dreki. 

Le karve, utilisé ici, est un petit bateau à faible tirant d’eau, de maximum 21 mètres et muni de 6 à 16 paires de rames. 

Il est plus représentatif des navires d’apparat pour la noblesse viking, même s’il pouvait parfois servir à la guerre ou au commerce.

Comme quoi un Viking comme Kersauzon ou Riguidel ne voguait ni sur des cageots ni sur des poubelles. 

Dès que le vent soufflera, je repartira (oui Renaud a le même niveau de français que moi, ou l’inventeur du mot drakkar).


Mise en place : 15 minutes 

Règles : 20 minutes 

Temps de partie : 1h30

Type de jeu : gestion de dés, placement d’ouvrier, exploration 

Âge : 12 ans 




Comme disait si justement le bon roi Olaf, le pouvoir réside dans le prestige. 

Maintenant que ça, c’est dit, reste à savoir comment devenir un prestigieux viking débordant de pouvoir sans forcément faire subir le supplice de l’aigle à l’adversaire… Parce qu'après, ma Lagherta personnelle risque de me tendre la serpillière d’une main en affûtant son seax (et contrairement à ce que la phonétique sous-entend, celui-là on ne veut pas y toucher)

Du coup, au lieu de salir la cuisine fraîchement récurée, nous voilà chacun sur notre karve personnel à écumer les mers en recherche de rades à piller ou avec qui commercer et ainsi étendre notre prestige, et donc notre pouvoir.


Mise en place : 

Une fois le plateau maritime déployé, on place un nombre de jetons Commerce et Raid sur chaque rade dépendant du nombre de joueurs et correspondant au symbole sur la zone (la plume demandera des jetons Commerce plume, le sanglier des jetons Raid sanglier, etc), idem pour les pierres runiques à cordon violet. 

Chaque joueur place son karve sur le port de départ. 

On place la piste Action sous le plateau de jeu avec 2 ou 3 tuiles Round recouvrant la zone de départ. Chaque joueur prend son plateau, y place 2 comptoirs marchands et 2 tours, les 3èmes sont placés près du plateau dans la zone accessible. 

Chaque joueur place 2 tuiles Amélioration de karve de chaque type, prêtes à être construites au-dessus de son plateau, avec 3 pierres runiques, une sera immédiatement construite gratuitement. 

Les provisions (pièces, or, fourrures), guerriers triés par valeur, les cartes Commerce et cartes Amélioration (karves, casques et bières) sont placés près du plateau. 

Pour finir, chaque joueur prend 1 carte Avitaillement définissant l’ordre du tour, les ressources, cartes ou guerriers de départ ainsi que l’emplacement et la valeur de ses dés bières sur la piste Action. 


Le plateau central 

Le plateau de dès

Le plateau joueur de Mme J

Les cartes Référence ou encore aides de jeu

Les cartes Amélioration

Les tuiles Commerce et Raid

Cartes Commerce

Les boites de rangement


Allez, les mots sont bons, mais ils ne gagnent pas les batailles, alors à l’assaut. 


📣

Le joueur actif est toujours celui dont le dé est en dernière position sur la piste, en conséquence un même joueur peut donc jouer plusieurs fois d’affilée. 


À tout moment de son tour, le joueur actif peut réaliser autant d’actions libres qu’il le veut à n’importe quel moment et dans l’ordre de sa convenance.

Il devra à un moment déplacer le dernier dé de la piste Action pour faire l’action d’arrivée du moment qu’il sort de la zone de repos si son dé y était au début de son tour.


Les actions libres : 


– Déplacer son karve (le but est d’aller piller ailleurs que chez soi, ça évite de passer pour un crevard aux yeux de tata Olga) : on déplacera son bateau moyennant une provision par zone. 

Si la zone d’arrivée est occupée, le bateau en place sera déplacé soit en dépensant une ressource de plus soit gratuitement, tout dépend de qui est le plus fort, niveau guerrier. 

La zone d’arrivée, s’il s’agit d’un rade, octroie :

- soit un des jetons Commerce, 

- soit un des jetons Raid de la zone, il sera placé à côté de son plateau et non dessus

- soit, s’il s’agit d’un rade de construction, on peut alors y placer une tour ou un comptoir si disponible contre des points de victoire. 


– Utiliser une carte de sa main, en payant son coût pour les bonus, qui en fonction de la carte permettent d’améliorer ses guerriers ou de les faire venir, d’avoir un bonus de déplacement ou un bonus sur ses dés de bière. 


– Faire du troc (et oui le Viking était surtout un commerçant avant d’être un pillard sanguinaire) 

> 2 cartes contre un or, 

> un or contre une pièce ou une fourrure, 

> ou un or contre une provision ou une bière sur un de ses dés (à ce prix là j’espère qu’on n’est pas sur de la Kanterbraü).


Et c’est déjà pas mal.

Venons en aux dés, ils indiquent une valeur en bière de 0 à 5. 

Le dé ne pourra être placé que s’il contient suffisamment de bières pour payer le coût de la case d’arrivée, le coût des cases allant de 0 à 3 bières. 


Avec son dé, on pourra : 


– Récupérer des pièces et de la fourrure.


– Récupérer des guerriers : prendre les guerriers de la valeur indiquée pour les placer sur son pont. D’autres actions permettent d’entraîner ses guerriers pour les faire évoluer en valeur. 

Attention l’évolution ne soigne pas, on n’est pas dans Pokémon, un "guerrier 2" blessé deviendra un "guerrier 3" blessé. A toute fin utile, on ne peut faire évoluer "rien" en un "guerrier 1".


– Commercer : en dépensant les ressources demandées, on peut acquérir un jeton Commerce jaune, récupéré en amont lors du déplacement de notre karve, nous donnant des PV, et d’éventuelles cartes Commerce du marché. La tuile est ensuite placée dans la soute de notre karve, au fond à gauche, ce qui débloque des bonus permanents, et de nouveaux comptoirs.


– Mener un raid : cette fois vous allez envoyer vos Vikings trucider de l’autochtone en attaquant les tuiles rouges récupérées lors de votre baguenaudage maritime. La tuile indiquera combien de valeureux guerriers seront blessés, voire morts et récupérés par une Valkyrie de passage. 

Puis on gagne les points indiqués et le jeton est placé dans la soute, au fond à droite, de là à dire que vous en avez plein la soute… comme pour les jetons Commerce, cela débloque des bonus permanents et de nouvelles tours.


– Améliorer : soit : 

- vous tirez 3 cartes d’une des piles de cartes Amélioration pour n’en garder qu’une, 

- si les conditions indiquées sur l’une des tuiles ou pierre runique placée au-dessus du plateau lors de la mise en place sont réunis moyennant pièces et fourrures, on la place sur notre karve, octroyant PV et un bonus permanent, ou pour les cailloux gravés un scoring de fin de partie.


– les coffres : donnent des ressources, améliorent des guerriers et donnent un bonus en fonction du nombre de tours et de comptoirs placés.


– refaire le plein de bières ou de fournitures : au départ on ne récupère que 2 bières à repartir sur les dés à notre guise ou 2 fournitures à enclencher sur notre mât, puis à force de tuiles Commerce et Raid remplissant notre soute, ses valeurs augmentent. 


La manche se termine quand tous les dés arrivent sur la tuile de repos, cette dernière est défaussée lorsqu’ils repartent. 


Le karve de Mme J prospère tranquillement

Les guerriers trépassent, mais certains gagnent en expérience
Le commerce s'établit, mais la conquête n'est pas loin

Petit retour sur le plateau central
Au dessus du 2e dé bleu se trouve l'icone de fin de manche

Icone que voici


📝🏁La partie s’achève à la fin du troisième ou quatrième tour de piste d’action. 

En plus des points marqués pendant la partie, on gagne des points en fonction :

- de ses pierres runiques construites, 

- du nombre de jetons Commerce au carré, 

- par paires de ressources, 

- de cartes amélioration et de provisions restantes, 

- de la valeur des guerriers vivants, 

- et enfin 1 point par or et bières restantes.


🏆 Le vainqueur pourra dîner à la table de Thor ce soir (pour le grand plaisir de Mme J), pendant que 💀les perdants devront graver 500 fois sur des pierres runiques « je dois piller et saccager les rades après mon passage » à tous les temps de l’indicatif…


👥À 2 joueurs, seuls 2 jetons Commerce et Raid seront posés sur chaque zone du plateau pouvant les accueillir, en même temps chaque symbole de tuile ne peut être récupéré qu’une seule fois. 

Certaines zones de la piste d’action sont inaccessibles à 2 joueurs pour une pose directe de dé, certaines cartes permettent malgré tout de s’y poser comme ça, l’air de rien, la bière au vent malgré l’interdiction. 

La partie ne se déroule qu’en 3 manches. 


👀


Le matériel est simple et de bonne qualité, avec une iconographie assez claire et bien réalisée.

Les rares doutes inhérents à certaines tuiles ou cartes et améliorations sont précisés dans le livret. 

On apprécie le côté 3D des bateaux fort agréable à manipuler. 

Les règles sont plutôt accessibles, et malgré une organisation peu instinctive, on s’y retrouve vite et on y revient rarement. 


On peut éventuellement regretter la petitesse des symboles de bière sur les dés les rendant moyennement claire dans le brouillard norois, après tout, même si la bière viking était à 2 degrés d’alcool sur les bateaux (c’était la méthode utilisée pour conserver l’eau comestible en mer plus longtemps), elle restait conservée dans de grosses barriques pour être visible de tous.


Les viking, comme le pirates, sont dans l’imaginaire collectif représentés comme des hommes violents, avides de conquêtes, et prêts à tout pour faire souffrir la veuve et l’orphelin sous l’égide de dieux plus violents et cruels que notre bellâtre barbu de Marvel, et pas toujours très malins (ils ont du évoluer en présidents russes, coucou tonton Vlad)

Les voir dans un jeu aux couleurs pures et où la bataille et la religion passent au second plan est moins habituelle, même si on commence de plus en plus à en voir (Looot par exemple).


Un jeu qui va reprendre et s’approprier des mécaniques diverses pour se constituer son identité propre. On s’affronte sur une mer propice aux rencontres. 

La récupération de provisions étant difficile, il faudra calculer tous ses déplacements, essayer d’anticiper ses actions plusieurs tours à l’avance et les voir ruiner par un adversaire qui bloque sans vergogne la place convoitée par son propre dé. 

Il faudra essayer de toujours avoir un pécule en lingots d’or pour se sortir de ses blocages. 

Nos vikings devront éviter de se spécialiser pour rester apte à tout faire : argent et fourrures pour commercer, guerriers pour tataner, parenthèses pour se reposer, après tout, ce ne sont que des hommes, un petit massage des petons par Lagherta, avec une gorgée d’hydromel pour se remettre de ses journées riches et variées ne font de mal à personne… 


Cette façon de jouer nous a rapidement rappelé un mix entre Glen More 2 avec son rondle et Maracaibo en plus épuré et facile d’accès (d’ailleurs les pirates de Jamaïque ont rejoint les bancs de l’occasion après coup)

Et très vite le plaisir est là, il n’est pas exempt de défauts, avec un certain manque de profondeur et une forte inégalité entre certaines cartes et tuiles améliorations, mais sa simplicité d’appréhension et son interaction forte en fait un jeu qu’on aime ressortir pour un petit bain de sang en mer.


👉Alors, à 2 c’est mieux ?


À 2 joueurs, l’interaction directe sur le plateau maritime est plus limitée, on a plus tendance à s’éviter qu’à s’affronter pour récupérer une tuile.

Quoi qu’il arrive, il en restera une et même si le deuxième servi sur un emplacement n’aura plus le choix de sa récompense cela ne vaut pas vraiment le coup de s’affronter pour ça.

De plus, la perte d’une provision pour aller à un emplacement est très cher payé si la force ne permet pas d’y aller. 


La seule course sur le plateau est dans les zones où poser tour et comptoir, où le premier arrivé aura un bonus de 2 points. 

La course aura aussi (et surtout) lieu sur la piste d’Action, où les emplacements intéressants font l’objet d’une course, et il faudra faire des choix, assurer le coup sur une action (en particulier les bières et provisions très difficiles à avoir), mais au risque de sauter d’autres actions qui en début de manche sont peu onéreuses ou au contraire avancer chichement pour profiter d’actions à faibles coûts, au risque que l’adversaire vole l’action suivante, qui aurait été pourtant parfaite sous notre dé personnel.

Cette course se retrouve aussi à plus de joueurs, mais je la trouve légèrement plus marquée 2 joueurs. 


Le duel de karves est une belle découverte et il est toujours agréable de s’y affronter, quel que soit le nombre de joueurs. 

Nous le trouvons un peu plus stratégique à 2, car la programmation sur plusieurs tours est possible alors qu’à plus de joueurs, on a plus tendance à se contenter de la place de dé restante. 

A contrario à plus de joueurs l’acquisition de guerriers aura comme but la conquête, évidemment, mais aussi de virer les karves adverses pour les ralentir et pour avancer plus vite sur la grande bleue.


Au final tous les modes de jeux sont agréables, les stratégies vont juste différer, reste à voir ce que vous aimez le plus, l’affrontement direct ou insidieux ? 


L’homme courageux se battra et gagnera, même si sa lame est émoussée, alors battez-vous pour la victoire jeune viking et n’oubliez pas, les aigles doivent montrer leurs griffes, même s’ils meurent alors suivez les préceptes d’Olaf Haraldsson, et la victoire sera vôtre.

Personnellement je perds toujours, mais il faut croire que je dois être plus rouge gorge qu’aigle.

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