Bitoku : il ne manque que la princesse Mononoké, et tout y est.



Un jeu de David Turczi et German P. Millan, illustré par Edu Valls et édité par Iello.


Instant Wikipedia : au Japon, les vertus, ou bitokus comme vous le savez tous, sont au nombre de 7 et régissent les codes du Bushido. C’est Inazo Bitobe qui les a définit plus clairement fin 19e/début 20e siècle.

On retrouve :

– le Gi ou sens du devoir, qui de nos jours se traduirait par rectitude ou rigueur

– le Yu traduit par le courage

– le Jin traduit la grandeur d’âme, compassion et la générosité. 

– le Rei traduit par la politesse et le respect 

– le Makoto traduit par la sincérité et l’honnêteté

– le Meiyo traduit par l’honneur et la réputation

– le Chugi traduit par la loyauté


7 vertus qu’il fallait respecter pour suivre la voie du guerrier, ou bushido, et être un samouraï digne de ce nom. Bien qu’issues du Japon Ancestral, les vertus du Bushido restent applicables pour tout un chacun. 

Adaptées à la société occidentale contemporaine, ces valeurs nous offrent l’opportunité de grandir spirituellement et donc de développer à chaque instant une meilleure version de nous-même.

Heureusement, ses vertus sont tombées en désuétude dans la société actuelle, où le profit est devenu la seule vertu importante aux yeux de beaucoup, this is the way.


Mise en place : 30 minutes

Règles : 30 minutes

Temps de partie : 1 h 30 à 2 heures

Âges : 14 ans

Type de jeu : placement d’ouvrier, deck building 



Irashaimasse, lecteur dono. 

Mme J San et moi-même sommes heureux de vous accueillir dans cet article. 

Domo aligato de le lire jusqu’au bout. Oui vous l’aurez compris je parle parfaitement le japonais animé, et après Naruto Kun Sakura Chan et autre Mononoke Hime, voilà que Iello rajoute Bitoku à mon vocabulaire débordant. 

À moi le Japon dans peu de temps, itadakimasu les ramens… 

Bon aller, j’arrête les clichés et la caricature, après mes tentatives de japonais aussi talentueuses que mon orthographe, digne des épisodes de Nicky Larson de notre enfant, on va essayer de rentrer dans le monde onirique de Bitoku et tenter de voir de qui, entre Mme J et moi, arrivera à cumuler le plus de vertus, le tout en essayant de ne faire aucune blague, allusion, référence grivoise associées aux vertus de Bitoku. Hajime.


Mise en place : après avoir déplié l’immense plateau richement illustré sur la face du nombre de joueurs adéquat, placez les tuiles dans leurs encoches si nécessaire (3 et 4 joueurs), placez les bâtiments, cristaux, libellules, mitama, trésors du lac et rochers d’Iwakura sur leurs emplacements respectifs. 

Placez une carte bitoku sur chaque emplacement, puis recouvrez les en partie par une carte yokai, les cartes restantes sont placées à leurs emplacements respectifs en haut du plateau. 

Chaque joueur : 

- prend son plateau, il y place son drapeau, ses bâtiments, les 3 dès sur les faces 1,2 et 3 sur leurs emplacements, les pèlerins face endormie sur les emplacements des futurs cristaux, et 3 éveillés, prêts à partir en pèlerinage

- placent leurs kodama sur chacune des 5 pistes de trésor du lac, leurs meeples sur les pistes d’ordre du tour, de PV et de promenade personnelle, 

- prennent un bois, un jade, une amulette de valeur 1, une carte vision, et 4 cartes yokai de leur deck de départ composé de 5 cartes.


En avant pour tester nos vertus dans ce paysage luxuriant. 


La pagode des saisons

Le Grand Esprit et les Bitokus

Les tuiles bâtiments anciens

Les bâtiments "standards"
Temples, onsens, fermes et ryokans


Les tuiles Cristal avec quelques Bitokus

Les tuiles sont de différentes couleurs
Agissant à différents moments du jeu

Quelques tuiles libellules (en haut) 
qui ont rejoint quelques tuiles mitama (en bas)

Un plateau joueur vide

Le plateau joueur violet en début de partie

Les cartes Vision

Les cartes Yokai

L'immense plateau dense côté 2 joueurs


Le jeu se déroule sur 4 ans, chaque année se déroule en 4 saisons (Ô surprise).


Au printemps, outre les hirondelles qui reviennent déféquer sur les statues, l’hirondelle ne maîtrise pas la vertu du Rei, les joueurs reçoivent les bonus des cristaux violets qu’ils ont acquis, et piochent jusqu’à avoir 4 cartes en main.


En été, outre Gilles Bouleau qui dit qu’il fait chaud sur TF1, c’est le Gi qu’ils ne maîtrisent pas sur TF1 voire le Makoto, les joueurs vont faire une action parmi 3 au tour par tour jusqu’à ce que tout le monde ait passé. 


– Poser une carte Yokai sur un des 3 emplacements, libérant le dé associé, et octroyant le bonus du cristal rose associé si cristal il y a. Les cartes donnent des bonus de ressources, de PV, d’action de construction, ou de récupération abordée ultérieurement. 


– déplacer un dé dans l’une des 5 zones de forêt. Pour cela il faut que le dé soit libre (soit avec une carte Yokai associée, soit par une action de carte ou de bâtiment, soit un sacrifiant un pèlerin sur l’hôtel de la gloire niveau bitoku c’est moyen moyen, mais bon…), et il doit être placé sur une case libre et être de valeur strictement supérieure à un dé précédemment posé. 


Chaque zone de forêt donne un bonus différent en fonction de la valeur du dé, à savoir qu’un 1 fera toujours avancer un kodama de la zone de lac attenante. Les joueurs peuvent dépenser des amulettes pour augmenter la valeur du dé avant qu’il ne soit posé. 


La terre des Yomis permet d’acheter un mitama (moyennant jade et/ou saké) donnant un bonus immédiat et/ou une libellule (moyennant des ressources au choix) donnant un bonus si associée à un mitama. 


Les escaliers de la connaissance permettent de placer, puis de déplacer un pèlerin éveillé sur la zone, donnant accès aux portails et aux illuminations octroyant bonus et PV, ou de déplacer son animal totem sur la piste des bitokus (aucune blague vaseuse, vous dis-je), si des cartes sont été placées précédemment, octroyant moult bonus. 


La demeure du grand esprit donne des amulettes et autres bonus en fonction de l’emplacement de la hutte choisie, il est cool l’esprit. 


La clairière de jade permet de récupérer des ressources (jade, bois, pierre ou saké).


Les forges permettent soit :

- de récupérer un cristal moyennant de 0 à 2 ressources, les cristaux sont placés sur le plateau joueur éveillant le pèlerin s’y trouvant (appât du gain tout ça), 

- de construire un bâtiment moyennant bois et/ou pierre. 

Les cristaux donnent en fonction de la couleur soit :

- un bonus lors du placement d’une carte associée à la zone (les roses), 

- un bonus en début de saison (les violets), 

- un bonus en fonction de l’action réalisée (les dorés). 

Les bâtiments sont placés sur une des 5 zones de forêts en fonction de leur type et donnent des PV, un bonus au constructeur puis à tous les joueurs si la valeur du dé placé sur la zone associée est égale ou supérieure à celle du bâtiment (si le dé n’appartient pas au possesseur du bâtiment, alors le propriétaire fait avancer un de ses kodama au choix).


– Dernière action possible : traverser la rivière avec un de ses dés en forêt de valeur supérieure à 1. 

Pour traverser, il faut faire offrande d’un point de valeur du dé, sauf s’il vaut 6, dans ce cas on le divise par deux. On peut alors : 

- soit récupérer la carte Yokai associée à la zone, elle sera placée dans sa main et peut être jouée au tour en cours s’il reste de la place

- soit récupérer un bitoku, qui sera placé le long du chemin qui sent la noisette (enfin la noisette, c’est vite dit… pas de blague on a dit… pardon)

- soit 2 actions parmi : avancer 1 kodama / prendre un rocher d’Iwakura et le placer sur son plateau / placer un pèlerin éveillé sur une zone attenante à un rocher en place sur son plateau/ ou piocher 2 cartes vision et en garder une ou aucune. 

Une fois l’action choisie, placez un ikaru dessus pour la bloquer jusqu’à la fin de l’année. 


Les cartes Bitoku 
Avec le petit chemin qui sent la noisette
Et qui souvent ramène beaucoup de points et de bonus

Les cartes Yokai

En automne, outre l’arrivée du beaujolais nouveau qui fait perdre le Meiyo de beaucoup, on définit le nouveau premier joueur en fonction de qui a joué sur la case la plus haute de la demeure de l’esprit. 

Si personne n’est allé dans sa hutte, pas de promotion canapé, du coup l’ordre du tour ne change pas. 


Quand l’hiver vient, outre le retour de Gilles Bouleau qui dit qu’il fait froid, oui en plus d’avoir un Gi au ras des pâquerettes il a l’originalité d’un livre de Musso, on réinitialise les cartes Yokai et bitokus non prises, on refait le plein des différentes tuiles et les joueurs en possession d’au moins 5 yokais peuvent en détruire un pour récupérer des points de victoire, puis ont fait avancer l’esprit de la forêt d’une case. 


Théoriquement à chaque changement de saison il faut avancer la pagode qui est somme toute très jolie, mais presque aussi utile qu’un mouchoir à Mickaël Jackson. 


📝À la fin de la 4e année, la partie prend fin.

L'heure du décompte a sonné, les joueurs ajoutent aux points gagnés pendant la partie, marqués d’un poisson jaune, les points de fin de partie, marqués d’un poisson violet :

- le premier joueur prend 3 points, 

- puis on récupère les points des bitokus différents sur son chemin, 

- les points en fonction de l’emplacement de ses kodama, 

- les points des pèlerins de son plateau que l’on a éveillé, 

- les points de ses rochers d’iwakura associé à des pèlerins, 

- les points des cartes vision (en positif si remplies, sinon en négatif), 

- on additionne ses ressources avec la valeur de ses 3 dès, on divise le tout par 4 (oui par 4… On sent l’envie de complexifier pour le plaisir là non ?).

🏆 Celui avec le plus de points sera déclaré le plus vertueux et prendra la place du Grand Esprit de la forêt qui pourra partir en paix.

💀 Les perdants auront la bito.... Non-pardon j’ai dit que je ne le ferais pas, finiront comme Okkoto détruit par l’homme dans un vent de haine et de souffrance…


À 2 joueurs : 

– On place le plateau sur la face 2 joueurs

– On place un kodama neutre sur la 4e case de chaque piste

– Il n’y a qu’un seul emplacement de dé par zone forêt, sauf pour la demeure du Grand Esprit 

– On place un bâtiment neutre sur chaque zone bâtiment

– Un emplacement de dé est créé dans la demeure du Grand Esprit, le joueur plaçant son dé diminue sa valeur de 1 et peut faire l’action d’un dé déjà placé en forêt comme si c’était le sien. 


Nous avons fait un résumé assez succinct des règles du jeu (le livret contient 32 pages), mais vous vous en doutez, le but n’étant pas que l’article soit plus long qu'une whislist de MyLudo et que les lecteurs meurent ennuie avant la fin, il ne retranscrit donc pas entièrement la profondeur du jeu, mais juste la mécanique.


👀Niveau matériel : que dire, cela foisonne en tout sens. 

Les meeple Grand Esprit et la Pagode compte-tour sont magnifiques, particulièrement inutiles, du coup entièrement indispensables, les pèlerins et kodama sont choupinounets (même si le kodama a une tronche de nikuman et le pèlerin d’onigiri), et les tuiles en carton en tout genre ont une iconographie claire et joliment réalisée, idem pour les yokais et bitokus (au nom des vertus du Bushido) rappelant l’œuvre du maître Miyazaki. 

L’immense plateau rempli de magnifiques détails le transforme en œuvre que l’on aime admirer, et c’est bien là le problème. 

Le plateau est très beau, mais cette profusion de détails le rend difficilement lisible en cours de partie voire en complique les règles. Pour exemple, les règles précisent qu’il est interdit de jouer un dé en première intention de l’autre côté de la rivière et qu’il doit la traverser après avoir été mis dans la forêt, or la demeure de l’esprit est une zone de forêt et est de l’autre côté de la rivière entraînant un doute sur la compréhension des règles.


L'immense plateau côté 3/4 joueurs
Avec des encoches pour adapter le plateau

Les pièces d'adaptation du plateau


Les règles sont assez particulièrement écrites, complexifiant assez inutilement le jeu avec beaucoup de rappels, et de "aller à la page tant pour la suite des explications"… 

Heureusement que l’aide de jeu est très bien faite, pour éviter que les premières parties s’éternisent tel un priapisme impromptu. C’est un peu dommage, le jeu aurait franchement gagné en fluidité en allégeant certaines règles. 

L’exemple le plus flagrant étant le décompte des points de victoire et l’addition des ressources, puis la division par 4 pour calculer le score. J'ai l’impression de revoir mes exercices d’algèbre : vous prenez 4 bouteilles de saké que vous multipliez par votre nombre de pierres au carré, le résultat sera divisé par Ln(-i* 3,14) et vous obtiendrez l’âge du capitaine… J’exagère un peu, mais épurer un peu n’aurait pas fait de mal


Une fois le cap des règles passé, le jeu en lui même est riche en stratégies et possibilités, le plaisir est bien présent. On réfléchit à quoi faire avec ses cartes, quel dé libérer en premier, quel blocage faire pour l’adversaire. Si je joue mon 5 sur la terre des Yomis, je récupère une libellule pas chère et empêche l’adversaire de venir chercher son mitama sans dépenser d’amulette, si je vais dans la demeure de l’esprit, je récupère une amulette +2 et deviendrais premier joueur, mais point de rivière à traverser et de nouveau yokai au prochain tour, et dois je sacrifier mon kappa pour ses PV et épurer mon deck ou le garder?… 

Plein de questions qui nécessitent une réflexion avant toute action. Le jeu sera le terrain idéal de l'analysis paralysis, mais avec les bons joueurs, il sera extrêmement plaisant.


Au final un jeu faussement complexe de prise en main, les mécaniques sont assez simples à comprendre, mais difficile à maîtriser de bout en bout tant les différentes actions et leurs conséquences changeront du tout au tout les stratégies à adopter pour la victoire, bâtiments, cartes vision, chemin des pèlerins ou des bitokus… beaucoup de possibilités pour essayer d’atteindre la vertu suprême et remplacer le Grand Esprit qui vient d’avoir 1758 ans et qui a enfin cotisé suffisamment de trimestres pour escompter une retraite bien méritée. 

Un jeu qui se sera fait connaître pour son nom prompt à l’humour gras, ce qui n’est absolument pas notre cas bien évidement, caca hahaha ha, oups… Et qui perdurera dans les ludothèques pour sa profondeur pour tout joueur aimant les jeux riches avec une vue solide et de la persévérance. 


👉Alors à 2 c’est mieux ? 


À 2, la notion de blocage est beaucoup plus importante, car une fois une zone forêt accaparée par un joueur, elle lui appartient jusqu’à ce qu’il décide de traverser la rivière.

Heureusement, la zone spécifique 2 joueurs dans la demeure du Grand Esprit permet de passer outre les campeurs pour faire malgré tout l’action moyennant un point de dé. 

Il faudra donc faire attention quand on met un 5 ou un 6 en forêt à ne pas se le faire taxer par l’adversaire, qui lui, aura juste posé un 2 l’air de rien avec un petit sourire narquois (ce qui est pas très vertueux comme attitude)

Les courses aux trésors du lac seront âpres aussi, compte tenu du kodama neutre qui obligera à faire plus qu’un petit pas près du lac pour 6 points de victoire, et heureusement les bâtiments neutres de départ permettent de ne pas perdre trop de temps pour acquérir les ressources ou faire les avancées souhaitées, lançant ainsi la partie dès la première année.


Les premières parties peuvent sembler un peu laborieuses et longues, mais une fois le jeu assimilé à 2 joueurs on est sur du 1 h 30 de partie avec une mécanique plus facilement maîtrisable que ce que les règles peuvent laisser penser, et on y prend beaucoup de plaisir.


A plus de joueurs, les parties risquent de s’éterniser, et même si l’aphorisme "plus c’est long, plus c’est bon" de notre ami Roy Lapoutre peut être vrai pour la trilogie du Seigneur Des Anneaux par exemple, dans le jeu les parties qui s’éternisent un peu peuvent mettre mon Rei à rude épreuve, et la lassitude poindre le bout de son groin, alors oui le jeu est excellent à plus de joueurs, mais nous préférons sa poésie à 2 joueurs.


Un jeu expert qui s’est un peu emballé dans ses graphismes et sa difficulté, mais qui une fois apprivoisé libère une saveur insoupçonnée, l’étendu des stratégies possibles donne envie d’y revenir souvent pour tester différentes techniques pour arriver à des fins et augmenter son Meiyo aux yeux des adversaires. 


Iello a fait le buzz à juste titre avec ce titre à la sémantique peu révérencieuse malgré l’historique japonais sans aucune visée grivoise, et cela a marché. 

Le jeu vaut le coup de kodama, et sa sélection au Diamant d’Or 2022 était loin d’être galvaudée, reste à voir si la suite Manjmonku de la cérémonie de l’As d’Or 2023, voire Petmonku de Rocco Games aura le même succès. *Soupir affligé*.


Prêts à devenir le Yokai en chef de la ludothèque ?  

Et puis, bon c'est un titre parfait pour la saint Valentin, non? *re-soupir affligé*

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