Sur les traces de Marie Curie : il manque un poil d’assaisonnement pour une physicienne gourmande croquante
Un jeu de Florian Fay, illustré par David Sitbon et Vaiana Hinault et édité par Sorry We Are French.
☝Instant Wikipedia :
Tout le monde a déjà vu le bon vieux cliché radiographique de papy ventant ses exploits de guerre en montrant sa double fracture tibia fibula (oui, papy a du mal avec l’anatomie et on jour on lui dira que c’était un gril costal, mais soit) qu’il a eu en sauvant un village des nazis, il se garde bien de montrer celle où il s’est malencontreusement assis nu sur le rouleau à pâtisserie de mamie, mais re-soit.
Tout cela est possible grâce, à la base, par Conrad Röntgen qui étudiait les rayons X et l’impression qu’il pouvait laisser sur une plaque radiographique, et c’est ainsi que la première radio de la main de son épouse Anna Bertha Ludwig fut réalisée le 22 décembre 1895 (cela aurait été ballot qu’il détruise sa propre main par erreur, il aurait pourtant été très moignon) obtenant ainsi le premier prix Nobel de physique, il ne déposa pourtant pas le brevet pour aider la médecine.
Le rayon X étant extrêmement pénétrant, il traverse certaines matières (tégument, peau, graisse, entre autres), et pas d’autres (os, organe, plug anal…) et imprime tout ça sur une plaque photographique. Marie Curie a perfectionné le truc en rendant le procédé mobilisable, créant ainsi les « Petites Curies », ou ambulances radiologiques qui sauveront nombre de soldats lors de la Première Guerre Mondiale.
Elle ira sur le front assister les chirurgiens, puis formera par la suite les premières manip' radio pour aider à localiser les fragments d’obus.
Et oui la brave Marie n’a pas fait que jouer avec le radium et le polonium, elle a aussi fait en sorte qu’on puisse sauver Jean Hubert de St Fiak de ses explorations rectales ratées avec divers objet du quotidien qui se trouvent malencontreusement installés sur diverses chaises de sa maison lorsqu’il est nu, quel hasard malencontreux (insérez ici la musique de la boule noire de Motus)…
Merci Marie !
Installation : 10 minutes
Règles : 10 minutes
Temps de partie : 35 minutes
Âge : 8 ans
Type de jeu : gestion de ressources, programmation.
Ho, Marie, si tu savais
Tout le bien que tu as fait.
Ho, Marie, si je pouvais
Dans tes bras nus… Oups, bon, l'affaire Langevin a fait assez de dégât à la réputation de la physicienne, alors n’en rajoutons pas, merci Johnny…
Bon bah puisqu’on ne peut même plus se reposer avec des classiques de la chanson française, autant jouer avec des matières radioactives, radium, uranium, polonium, aquarium et baba au rhum nous voilà; prêts à révolutionner la physique ludique (2 intrus se sont glissés dans la liste, arriverez vous à les repérer, par Toutatis?).
Mise en place :
On place le plateau au centre de la table qui représente la Sorbonne il me semble, où Marie Curie fut la première femme titulaire d’une chaire, on place une tuile Atelier sur le toit du bâtiment et le cercle de manche au début de la piste, les tuiles Expériences (ballons et béchers) sont placées en piles sur le plateau à côté des tuiles Thèse classées par numéro.
Le marqueur Chronologie est placé au début de la ligne temporelle représentant la vie de Marie (science dès le berceau la petite Polonaise, d’où le nom polonium, ce n’était pas par amour du barszcz qu’on arrive autant à prononcer qu’à manger).
Les cartes Activité sont mélangées et placées à côté du plateau avec 4 disponibles dessus.
Les cubes représentent la Pechblende, l’Uranium et le Radium, et sont placés à côté avec la tour à cubes.
Pour finir, chaque joueur prend son plateau de joueur et une tuile Objectif qu’il laisse face visible, le jeton Marie Curie reste au centre, et tout le monde est prêt pour fabriquer de l’isotope radioactif dans la ludothèque, et sans risquer un cancer, ce qui est plutôt pas mal me direz vous.
Le joueur actif joue son tour complet avant de passer la main à son voisin, et ce jusqu’à ce que la montre à gousset rouge atteigne la dernière case de la piste temporelle de Marie, signant l’arrêt de la partie en même temps que sonne le glas d’une déesse de la physique chimie.
À son tour le joueur commence par la phase d’Atelier.
Pour cela, il va prendre les cubes des éléments indiqués dans le cercle sur le toit du plateau principal et les lâche dans la tour. Pénurie faisant (et obstacle savamment placé), tous ne sortiront pas de cette tour lors de leur chute.
En phase de Recherche, le joueur aura le choix entre :
> prendre de 1 à 3 cubes (cela pourra augmenter au cours de la partie) tombés de la tour pour les placer dans son Erlenmeyer personnel,
> ou prendre une Thèse dans l’ordre numérique.
Les thèses octroient un bonus que l’on découvre après leur acquisition (il est d’ailleurs recommandé de prendre connaissance de ses bonus lors de l’installation du jeu, on sait à quoi s’attendre même si on n’est pas sûr de leur ordre de sortie, cela réduit le hasard), après tout quand on commence une étude on est jamais sûr de sa finalité, l’inventeur du Viagra cherchait peut-être un traitement pour les hémorroïdes…
Puis arrive la phase d’Expérimentation où le joueur pourra faire plusieurs actions dans l’ordre de son choix.
- Acquérir une carte Activité : en payant la ou les ressources indiquées sur la carte, on ne peut en prendre qu’une par manche. On la place en fonction de son type (Publicité, Instrument, Recherche, Atelier et Université) sous son plateau et elle octroie un bonus immédiat dépendant du nombre de cartes du même type déjà acquis. Les bonus : cubes élément, PV, jeton Marie Curie, avancé sur la piste temporelle, acquisition d’une thèse, bécher ou ballon voire même rien (encore une fois chercher ne veut pas dire trouver, il suffit d’observer Mini J cherchant ses chaussettes sous ses pieds sans jamais les trouver…).
- Transformer des ressources : changer 2 pechblendes en 1 uranium, 2 uranium en 1 radium, et 2 radium et 1 uranium en 1 PV (sauf si on possède Marie, alors l’uranium est superflu pour obtenir son précieux PV). Comme disait Lavoisier « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » (Trump a réussi à transformer des excréments en paroles, et ça, franchement, c'est assez incroyable).
- Valider une ou plusieurs Expérience : en défaussant les cubes indiqués, on peut retourner un ballon ou un bécher déjà acquis, ce qui octroie un bonus immédiat et la possibilité de prendre un cube de plus lors de la première phase par bécher construit (max 3), et de garder un cube de plus en fin de manche par ballon construit (max 3). Chaque paire de bécher/ballon construit sur la même ligne donne 1 PV bonus.
Une fois par partie, on peut résoudre sa tuile Objectif contre des points si les conditions sont requises.
Pour finir, la phase de Repos (bien mérité) : on défausse ses cubes restants jusqu’à n’en avoir plus que 3 dans son Erlenmeyer + 1 par ballon construit et on avance le marqueur Atelier sur le toit de la Sorbonne.
À chaque fois qu’une montre apparaît (toit de la Sorbonne, carte, thèse, bécher et ballon), le marqueur chronologie avance, donnant immédiatement un bonus ou une action à tous les joueurs ou un malus selon ce qui est indiqué sur sa piste où il échoit.
📝🏁Arrivés au terme de sa vie, on compte les points glanés de son vivant +1 pour celui qui a la tuile Marie Curie et le vainqueur 🏆 brillera au prochain prix Nobel ludique pendant que les perdants 💀 devront aller se boire un café sans sucre sur la place du village à Tchernobyl en écoutant un débat Trump-Poutine sur l’intérêt des droits de l’Homme.
👥
À 2 joueurs, le toit de la Sorbonne contient plus de symboles marqueur Chronologique que sur les autres toitures.
👀
➕
Niveau matériel il n’y a pas grand-chose à redire, l’ensemble est qualitatif et très joliment illustré.
On apprécie vraiment lâcher ses petits cubes dans la tour pour ne pas les voir ressortir (peut-être rejoignent ils la chaussette manquante après une machine dans une faille espace-temps, mais ça, c’est plus du domaine d’Albert E).
L’iconographie est claire, et au pire tout est rappelé dans l’appendice.
On retrouve le design de la gamme « sur les traces » que Darwin avait superbement débuté, les illustrations sont superbes et l’intérieur de la boîte très bien exécuté, et ça donne franchement envie d’explorer ce jeu.
On apprécie tout particulièrement l’appendice relatant les instants forts de la vie de la scientifique et de son entourage.
➖
Le seul bémol vient de la tour à cubes qui reste fragile et doit être démontée à chaque partie la rendant de plus en plus précaire, rajouter 5 mm de hauteur à la boîte pour la ranger sans risque n’aurait pas été du luxe…
Un jeu qui était attendu au tournant, car annoncé dans la gamme de « sur les traces de Darwin » (dont vous trouverez un article ici 👉https://adeuxcestmieuxjeuxdesociete.blogspot.com/2024/03/sur-les-traces-de-darwin-le-hms-beagle.html) en plus complexe, et c’est peut-être ce qui dessert le plus ce jeu.
La version Darwin a fait ses marques grâce à son épure et sa fluidité, ici se voulant plus expert, on s’attendait à un maintien de cette clarté tout en accentuant la profondeur du jeu, et sur ce point, ce n’est pas une franche réussite.
Le jeu n’est pas mauvais, tant s’en faut, on apprécie le côté ludique de la tour, ou les combos réalisables quand le vend souffle dans le bon sens, mais pour coller au maximum à la thématique, on en perd la fluidité et la chance devient une part trop importante du jeu.
Tout à une forme de logique, les différentes pénuries de matières premières ont compliqué la vie des scientifiques, et c’est plutôt bien représenté avec la tour à cubes qui fait rétention, mais il est très frustrant de lâcher ses cubes, de voir vaguement une pechblende en sortir, finalement publier une thèse et prendre un bécher en compensation puis finir son tour, pendant que le joueur suivant va faire exactement le même lâcher pour se gaver d’uranium et de radium, prendre une carte du plateau et augmenter ses ressources, etc.
Ce côté aléatoire peut être très frustrant et il n’est pas rare de donner un coup de pied discret dans la table pour augmenter la générosité de la tour version machine à Bounty récalcitrante d’un hall de gare.
Et c’est dommage, car le thème est bien présent, mais quand la science se base trop sur le hasard, on ne découvre pas toujours la pénicilline, le plus souvent on découvre un cache anus pour animal, quand cela ne fait pas juste un pet foireux sentant le soufre dans le fond de sa fiole de verre.
Au final, on a un jeu avec des qualités, mais qui souffre de la comparaison avec son aîné, et de son hasard qui le place dans la zone floue entre les jeux familiaux et les jeux initiés, le hasard le desservant pour les joueurs avides de stratégie un poil plus complexe.
Ce n’est pas pour autant qu’il est mauvais, juste les attentes étaient trop grandes et on a du mal à se satisfaire d’un jeu juste plaisant, un peu comme le dernier Marvel en gros.
👉Alors, à 2 c’est mieux ?
La réponse est compliquée puisqu’à 2 joueurs certaines parties auront ce côté aléatoire malchanceux exacerbé. Ici on les appelle les parties "Arcadia", en mémoire de Mme J faisant toujours des échecs critiques sur tous ses lancés de dès lors des parties d'Arcadia Quest...
En effet : joueur A, que nous appellerons Mr J, lâche ses 4 cubes dans la tour et ne voit qu’un pauvre noir en sortir, et même si dans le fond, les noirs sont les meilleurs Dragibus du paquet, seul il est aussi utile que Ségolène Royale en ambassadrice des pôles.
Du coup Mr J prend une Thèse et récupère en bonus : un cube noir youpidou, et son tour est fini.
Le 2e joueur, que nous appellerons Mme J, lâche les 3 cubes suivants et c’est alors que sortent 2 radium et 1 uranium (que pourtant personne n’avait mis dedans… le jeu est quantique je ne vois que ça), et pourra faire un tour d’anthologie.
Puis c'est de nouveau au tour de Mr J de jouer, ses cubes ne passeront à nouveau pas la sortie du cylindre… ce sont des cubes de Shrödinger, à la fois dedans quand je joue et dehors quand Mme J joue… et une nouvelle Thèse ou un coup de genou dans la table en se levant malencontreusement pour attraper un radium perdu et se laisser une chance de faire de la physique...
On n’est pas là pour enfiler des perles de polonium...
On a fini par lancer les cubes et non les laisser tomber pour qu’il traverse les obstacles aussi bien qu’un électron dans un pont d’Einstein — Rosen.
J’exagère un peu, mais l’aléatoire des chutes peut être plus marqué à 2 joueurs alors qu’à plus nombreux cela semble s’acharner un peu moins contre le même scientifique ludique, la routourne finit toujours par tourner, comme dirait Franck R, scientifique, footballeur français bien connu.
Il reste néanmoins appréciable si on ne le compare pas à son aîné, mais auquel il manque un peu de contrôle pour un jeu qui se veut plus expert.
Et c’est toujours vexant de voir sa stratégie s’effondrer à cause d’une tour peu serviable et la compensation des Thèses, même si appréciable ne suffit pas toujours à combler l’écart si l’adversaire a pu enchaîner de belles récoltes radioactives.
Pour conclure : un jeu agréable et rapide, mais auquel il manque un petit quelque chose pour le rendre aussi incontournable que son grand frère.
Il faudra accepter ici que la science soit hasardeuse, et dans ce cas les parties seront plaisantes et facilement "enchainables", et sans compteur Geiger on n’est pas dans Porter Chemistry and Atomic Energy Lab qui permettait à nos chères têtes blondes de jouer avec de l’uranium et du radium pour finir en chère tête chauve (comme quoi l’évolution dans le jeu de société a du bon).
Après si on est plus proche de Sheldon que de Penny, alors il risque d’attendre sa dégradation atomique dans le fond d’un placard.
Malgré tout, j’ai hâte de savoir sur les traces de quels scientifiques SWAF nous amènera la prochaine fois, pourquoi pas Rosalind Franklin…
Allez, je retourne jouer avec mon bâton d’uranium… Mini J va chercher l’iode s’il te plaît.
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