Pessoa : après discussion avec moi même, nous avons décidé que nous n'étions pas fous.


Un jeu d’Orlando Sà, illustré par Marina Costa et édité par Geek Attitude Games.


Instant Wikipedia :

Le trouble de dissociation de l’identité, ou TDI, est un trouble mental défini en 1994, il se caractérise par la présence d’états de personnalités distinctes avec altération significative de la mémoire, de la perception, des affects, de la cognition et possiblement du fonctionnement sensositivo-moteur. 

Il s’agit d’un trouble rare, 1 à 3 % des troubles dissociatifs. 

À la base, les patients atteints de ce trouble étaient considérés comme possédés par le Diable, et souvent tués au nom du Seigneur (il a le dos large, Jésus, quand même)(*et en même temps, être possédé par Lucifer Morningstar, franchement, y'a pire.. *)

Ce trouble était surtout l’objet de croyance jusqu’en 1906 avec Christine Beauchamp, étudiante ayant 3 personnalités principales, et plus récemment, 1970, Billy Milligan a été jugé non responsable de plusieurs viols, car atteint de ce trouble.

Il est couramment admis que ce trouble survient souvent suite à des traumatismes vécus dans l’enfance, associés à des troubles nutritifs, entraînant un stress important qui forcerait l’esprit à se diviser. 

D’autres hypothèses suggèrent que ce trouble serait lié au soin d’un trouble préexistant, faisant du TDI une complication plutôt qu’une cause. 

On retrouve le TDI dans de nombreuses oeuvres de fiction, comme Trisha dans l'épisode 1 de la saison 2 de Lie to Me, ou encore Moon Night de Marvel, pour ne citer qu'eux.

Fernando Pessoa et ses hétéronymes auraient été atteints de trouble bipolaire, dont les personnalités l'auraient protégés d'un effondrement mélancolique, plus que de TDI. Après, il faut souligner aussi qu'il meurt à 47 ans d’une cirrhose liée à l’alcoolisme important dont il faisait preuve, ce qui peut aussi éventuellement expliquer ces troubles…


Installation : 10 minutes 

Règles : 10 minutes

Temps de partie : 40 minutes

Âge : 10 ans

Type de jeu : placement d’ouvrier, gestion de main.



💂Monsieur J !

💂Oui Monsieur J ?

💂Il paraîtrait, selon les dires de certains irrévérencieux de la communauté, que nous sommes fous ? D’aucuns diraient même que je n’existerais pas et qu’il y a qu’un seul Monsieur J, alors que tout le monde sait bien que nous sommes 3 les années bissextiles, et 2 les semaines des 4 jeudis… 

💂Laisse-les parler Monsieur J, je vais de ce pas en parler à Monsieur J qui va aller fermer le clapet de tous ces jaloux… 

💂En effet Monsieur J, car la seule différence entre moi et un fou, c’est que moi je ne suis pas fou (et je plagie Dali…).


Et c’est après ce conciliabule intérieur entre moi et moi-même que Mme J s’interposa en nous disant de nous taire, pour avancer l’article sur le poète portugais aux hétéronymes prolixes et citations intemporelles… 

Bon bah euh... allons poèter tous ensemble, après tout, je suis comme un homme qui chercherait distraitement quelque chose, et qui, entre la quête et le rêve, aurait oublié ce qu’il cherchait.


Mise en place : 

Une fois le plateau assemblé façon puzzle, placez Pessoa sur la place Rossio, et remplissez de cartes Inspiration les emplacements des 2 cafés. 

Une carte librairie et 2 jetons d’étagères sont placés dans la librairie Bertrand, le reste des tuiles est placé en 2 piles sur le côté de la librairie. 

Chaque joueur prend un plateau hétéronyme, place son jeton au maximum de l’énergie possible (symbolisé par un chapeau, c’est la force de l’esprit), et place son hétéronyme dans la psyché de Pessoa. Chaque joueur reçoit 5 cartes et en garde 3. 



Les cartes Inspiration

Les cartes librairie

Jetons d'étagères recto verso

Aide de jeu recto verso

Les différentes personnalités de Pessoa


Pour corser légèrement le jeu, chaque joueur peut tourner son plateau joueur pour avoir un départ asymétrique et recevoir en plus 2 cartes MenSaGen. 

Les plateaux asymétriques des différentes personnalités de Pessoa


Les cartes MenSaGem


Et c’est parti pour définir qui sera le plus fou et prendra le pouvoir sur la psyché du poète à lunettes.


La partie se déroule en 12 tours, symbolisant les 22 dernières années de l’artiste (vous l’aurez compris, enfin les plus matheux du groupe, un tour peut représenter plusieurs années). 

Les joueurs jouent en tour par tour en effectuant une action parmi 2 :

- se déplacer 

- se reposer. 


Si vous décidez de vous déplacer : le joueur doit déplacer son hétéronyme, ou dépenser un point d’énergie pour prendre le contrôle de Pessoa (et devenir ainsi le premier joueur pour les manches suivantes) s’il ne le contrôle pas déjà, et le déplacer. 

Pessoa peut être déplacé n’importe où sur les cases noires, sauf dans la psyché (pas d’introspection pour l’auteur, cela reviendrait à se regarder en face, des heures de TCC seraient à prévoir, sans parler des traitements, bref, un vrai merdier).

Les hétéronymes ne peuvent aller que sur une zone de la place de Lisbonne ne contenant pas d’autre hétéronyme, ou dans la psyché moyennant un point d’énergie. 


– les cafés à Brasileiro et Martinho da Arcada permettent d’acheter des cartes Inspiration moyennant des points d’énergie en respectant sa limite de cartes en main. 


– la librairie Bertrand permet, en défaussant la bonne carte (valeur ou type), de récupérer soit 5 points de victoire, soit une étagère.

Cette dernière est placée 

- soit côté recto sous le plateau du joueur pour valoriser les cartes Inspiration jouées lorsque la poésie est clamée, 

- soit côté verso sur le côté pour augmenter l’énergie et le nombre limite de cartes Inspiration en main. 

Si la carte défaussée contient le symbole du zodiaque de la zone psyché en face de la librairie, le bonus associé est immédiatement récupéré. 


– la place Rossio permet de poèter, pardon, d’écrire quelques strophes pour égayer l’esprit des joueurs. 

Pour cela on défausse de 3 à 5 cartes Inspiration de sa main, toutes doivent être de valeurs différentes, quel que soit le style. Idem pour les symboles du zodiaque que la règle de la librairie. 

On gagne des points 

- en fonction du type de cartes, et de la valeur sur notre plateau associée à la carte

- du nombre de cartes consécutives de même genre 

Un bonus de 3 points si on est dans les premiers à réaliser un poème de 3, 4 ou 5 strophes. 

Puis on récupère une tuile poème, et on garde une carte Inspiration du poème près de son plateau avant de défausser les autres. 


La psyché coûte un point d’énergie pour s’y déplacer et permet de réaliser n’importe quelle action, même si un autre hétéronyme y est présent. 


Se reposer consiste à passer son tour pour récupérer toute son énergie (vous l’aurez compris le repos peut durer plusieurs années pour récupérer son énergie, non seulement Pessoa était alcoolique et un peu dérangé sur les bords, mais en plus c'était une sacrée feignasse…)

Pendant le repos d’un joueur, son pion hétéronyme est retiré du plateau libérant une place pour les copains de camisole. 


Si vous jouez avec les cartes MenSaGem, vous en piochez une du deck, en placez une sous votre plateau dans la limite de 3 et en donnez une à un adversaire. 

Ses cartes donnent un scoring asymétrique en fin de partie. 


Certaines actions vont être modifiées si vous jouez avec la face avancée des hétéronymes donnant un certain pouvoir asymétrique lors de la partie ou du décompte. 


Une fois la dernière année vécue, chaque hétéronyme fera un ultime poème sur son lit de mort avec les cartes conservées des différents poèmes réalisés pendant la partie, le scoring est identique. 


📝Une fois le poème rédigé, les joueurs ajoutent à leur décompte :

- les points de leurs jetons de poèmes récupérés en cours de partie, 

- 1 point par carte inspiration encore en main 

- et les éventuels points de leur.s carte.s MenSaGem jouées. 

- la version avancée du jeu donne un scoring asymétrique des différents hétéronymes. 


Exemple de fin de partie de Mme J
Victorieuse

Exemple de fin de partie
C'est d'biais, comme les personnalités de Pessoa
Ou comme Mme J


🏆Le vainqueur verra sa postérité grandir à travers le monde, posthume d’accord, mais quand même, et ses poèmes seront appris au lycée et déclamés au bac (niveau où on commence à apprendre à lire, selon les dernières réformes de l’éducation nationale).

💀 Les perdants donneront leur nom à une nouvelle marque de camisole qu’ils auront portée toute la fin de leur existence, avec un petit cocktail Loxapac-Abilify pour éviter qu’ils crient trop fort en cadeau.


À 2 joueurs, on rajoute 2 hétéronymes neutres, un place Rossio et un dans la librairie. 

À chaque changement d’année, les hétéronymes changent d’emplacement en allant dans la prochaine zone numérotée. 

On ne mettra qu’une seule tuile poème de chaque nombre sur la place Rossio.


👀

La boîte magnifique et enluminée signe la deuxième œuvre ludique de Marina Costa après le jeu Café, dans un style rappelant un mix de cubisme et de surréalisme donne envie de s’y arrêter tant ce type de design n’est pas habituel dans le monde du jeu. 

Le matériel à l’intérieur de cette boîte est aussi très agréable à manipuler, même si plus conventionnel, à lire ou juste regarder. 

Chaque carte Inspiration est marquée d’une locution du poète ou d’un de ses hétéronymes, nous faisant plonger dans l’univers de l’écrivain somme toute assez peu connu en France, hors milieu de connaisseurs, alors qu’il a marqué l’histoire de l’art littéraire portugais. 

On apprécie particulièrement les annotations des règles approfondissant la vie de l’auteur et le pourquoi des choix de l’auteur ludique sur l’auteur poétique qui nous fait vivre sa passion. 


Un jeu de placement d’ouvrier dans un univers peu connu ne donne pas forcément envie de s’y plonger malgré une devanture aguichante, et ce serait un tort, et le tort tue. 🐢

Et comme le disait Fernando, qui a longtemps inspiré Mme J sans qu'elle le sache, il faut espérer le meilleur et préparer le pire, c’est la règle d’un jeu de pose d’ouvrier bien ficelé. 


💭À son tour, il faut savoir choisir son action et quand dépenser son énergie. 

Récupérer des cartes pour faire une jolie poésie futuriste ou au contraire dépenser de l’énergie pour prendre le contrôle de Pessoa pour devenir 1er joueur et faire l’action de la place Rossio qui était bloquée par ce psychopathe de Ricardo Reis, ou, au contraire, rentrer dans sa psyché pour récupérer une tuile étagère complètement obstruée par Pessoa himself et Alvaro de Campo… 

Ou je me repose pour récupérer des forces, mais je laisse le champ libre à Alberto Caeiro pour réaliser son action plus facilement… 


Des actions simples et faciles à appréhender, mais qu’il faudra utiliser à bon escient pour gravir les marches de la littérature sans se faire devancer par un Musso à l’écriture conformiste et sans saveur… 


Le thème est assez présent dans le jeu et bien intégré dans tout l’univers d’Orlando Sà, et même si on ne peut pas dire que la partie donne l’impression de faire une tranche de la vie du portugais, on ressort en ayant l’impression d’en savoir un peu plus et on se plaît à lire des locutions qui seront oubliées rapidement après, ou ressorties au prochain repas de famille, l’air de rien : 

Je ne suis rien. 

Je ne serai jamais rien. 

Je ne peux vouloir être rien. 

À part ça, je porte en moi tous les rêves du monde. 


👉Alors à 2 c’est mieux ? 


La schizophrénie dans la schizophrénie, c’est tout un art. 

En plus de contrôler une personnalité de Pessoa, on se retrouve avec deux personnalités neutres qui se retrouve à empêcher de poèter tranquille, c’est un comble… 

En même temps, ce brave homme se retrouve, au plus haut de sa forme, avec 70 noms qui ressortent même si on ne lui reconnaît que 3 hétéronymes et demi, oui la demi-personnalité c’est un concept très… télé-réalité avant l’heure, la demi-personnalité… 


Bon, trêve de divagation et entrons dans le vif du sujet, l’ajout des deux hétéronymes neutres est bien rendu, dans le sens où on connaît leurs futurs déplacements, ce qui permet de maintenir une programmation sur ses actions avec comme seule incertitude l’adversaire, ce qui quand on connaît Mme J peut-être déjà perturbant… 

Cela permet aussi d’obliger à dépenser de l’énergie soit pour aller dans la psyché, soit pour prendre le contrôle de l’artiste pour avoir accès à la bonne action au bon moment. 


De même, le fait de n’avoir qu’une seule tuile poème de chaque type porteuse de bonus entraîne une course à l’obtention, car les points ne sont pas légion durant la partie.


Le jeu est du coup bien adapté à 2 joueurs.

Mais... Il ne sait pas forcément trop où se placer, on n’est pas vraiment dans du familial, et à 2 joueurs les tours s’enchaînent tellement vite sans vraiment beaucoup de réflexion, pas assez pour en faire un jeu expert, ce qui dessert un peu pour savoir à quel type de joueur on s’adresse… 

Les parties à 2 joueurs sont plaisantes et agréables, mais manquent un peu de renouveau, malgré les règles plus expertes avec les hétéronymes asymétriques et les cartes MenSaGem (qui sont indispensables pour donner un but un peu plus fourni à la partie), on tourne un peu en rond après quelques parties. 


On s’amusera les premières parties à lire les maximes de l’auteur (même si certaines sont passablement longuettes et moins captivantes que d’autres, tout le monde n’a pas notre talent pour l’écriture d’articles), mais très vite, on sort de la thématique pour juste essayer d’avoir les bonnes couleurs et les bons enchaînements pour maximiser nos gains à chaque poème, rendant les parties plus froides qu’attendu au pays du porto.


En conclusion : un jeu adapté à tout nombre de joueurs, mais qui intéressera probablement plus les passionnés de littérature, les amateurs de belles boîtes, et les joueurs « occasionnels » qui trouveront une mécanique assez simple à prendre en main.

Les experts et les joueurs aimant se torturer le neurone risquent de passer un peu à côté de leur partie et lui préférer des jeux à l’immersion plus accessible et la mécanique plus réflexive.


Je sais et j’ignore à la fois ce qu’il est. 

Mais je jouis de le rêver, car le bonheur, même faux, reste le bonheur.

Et non pas un songe vain. 

Sur ses jolis mots je vous laisse, je crois que Mini J est en train de retourner sa chambre plutôt que de faire sa sieste… je pense qu’il est habité par un hétéronyme du démon c’t'enfant…

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