Canvas et Canvas Reflets : de la déco jouable.


Un jeu et son extension de Andrew Nerger et Jeff Chin, illustré par Luan Huynh et édité par Road To Infamy Games.


Instant Wikipedia 

Le rétroprojecteur, ou diascope, date du XVIIe siècle avec la création de son ancêtre : la lanterne magique. Il s’agissait d’un miroir entouré d’une source lumineuse qui projetait sa lumière sur un papier huilé ou du verre, et on projetait l’image sur un mur. 

Il servira dans les années 30 pour les clubs de bowling, puis dans les années 40 pour la formation des soldats aux États-Unis (pourtant on n’en voit pas dans Captain America : First Avenger, le manque de réalisme de cette œuvre culturelle me laisse pantois), avant d’arriver en masse dans l’Education Nationale. Il est perçu comme révolutionnaire et supplante le tableau noir, surtout pour la géographie. 

En 1970, les transparents deviennent thermorésistants et peuvent être imprimés, facilitant encore plus les cours des profs, pas toujours très doués pour dessiner.

Et c’est de ça que s’inspirera Bob Gaskin pour la création de PowerPoint, qui évincera complètement son ancêtre de plastique en 2008. Les écoles n’ayant pas les moyens de changer leurs rétroprojecteurs en vidéoprojecteurs restent toujours dans cette low tech, heureusement en France les budgets de l’éducation nationale permettent… D’avoir des craies de 3 couleurs différentes et une éponge… Youpidou… 


Installation : 5 minutes

Règles : 10 minutes

Temps de partie : 20 minutes

Âge : 8 ans

Type de jeu : association d’images, collection, réalisation d’objectifs. 



Il s’agit ici de la version anglaise du jeu et de son extension issues d’une campagne KS, le jeu est toutefois disponible en français et les règles sont téléchargeables ici.👇

https://cdn.1j1ju.com/medias/39/a6/23-canvas-regle.pdf


Qui n’a pas souvenir des transparents aux couleurs passées des rétroprojecteurs que les profs retournaient 4 fois pour qu’on ait le cours dans le bon sens affiché sur un écran? 

Toute personne de plus de 30 ans, a priori… 

Personnellement cette ambiance rétro m’a poursuivi jusqu’en première année de fac, à la différence qu’en fac le prof ne changeait pas le sens du transparent même si le cours était à l’envers, la sélection naturelle frappe partout. Cette ambiance rétro éducative devait me manquer a minima, alors quitte à refaire la déco de la ludothèque autant joindre l’utile au joli, et nous voilà partis à réaliser la plus jolie œuvre transparente possible pour revoir les murs de la pièce ludique.


Mise en place : 

Une fois le tapis de jeu déroulé, on place les cartes transparentes sur leurs emplacements, 4 de base, ou 8 avec l’extension et le reste dans leur « boîte » en début de piste, puis on ajoute 4 missions prises au hasard, ou selon un scénario défini en fin de règles. 

On place l’ensemble des médailles triées par couleur au-dessus des objectifs.

Chaque joueur récupère 3 tableaux sleevés et 4 jetons palettes, ou 6 avec l’extension. 


Les beaux-arts, nous voilà…


Exemples d'œuvres terminées

Les cartes sleevées à recouvrir

Le fameux tapis en tissu

Exemple de jetons médailles et palettes

Les cartes objectifs

Le plateau tissu du jeu de base, 
Avec une mise en place de départ

Le plateau de l'extension Reflets
Avec une mise en place de départ



À son tour, on peut soit :

- récupérer une carte (avec un maximum de 5 en main) 

- soit peindre un tableau.


Pour récupérer une carte, on la choisit dans la ligne de cartes transparentes.

La première est gratuite. Pour les suivantes, il faudra dépenser une palette par carte sautée, palette qui sera placée sur la carte et récupérable par le prochain joueur s’en saisissant. 

On fait glisser les cartes délaissées vers l’extérieur et on refait le plein pour les peintres adverses. 

Si on joue avec l’extension, on a le choix de plus de cartes, mais il faudra placer une palette sur chacune des cartes des colonnes précédant celle choisie. 


Si jamais on a au moins 3 cartes en main, on peut peindre un tableau, si on en a 5 on doit le peindre. Pour cela, on prend 3 cartes de sa main, et on les insère dans le sens de notre choix dans la sleeve contenant un de nos 3 tableaux de départ (ils sont tous globalement semblables, le design diffère légèrement de l’un à l’autre)

Une fois réalisé, on annonce aux autres joueurs le nom de son tableau « la chute de Mini J en hurlement majeur », par exemple. 

Puis on compare le bas de son tableau contenant un alignement de maximum 5 couleurs différentes, chacune avec 1 ou 2 symboles dedans avec les cartes objectifs (avoir autant de carrés que de triangles, avoir le même symbole sur le bleu et sur le jaune…) et on récupère une médaille de la couleur de chaque mission réussie. 

Certains tableaux contiennent des médailles noires, et dorées avec l’extension, qui sont à récupérer immédiatement après conception, si le tableau respecte les demandes des médailles présentes dessus.


L’extension donne des cartes transparentes recto verso, où l’image d’un côté est le reflet de l’autre (d’où le nom « Reflets » de l’extension, malin les gars quand même) et les symboles sur la palette en bas des cartes ne sont pas sur les mêmes couleurs, ainsi que des médailles dorées qui ont le même fonctionnement que les noirs, mais sur les zones adjacentes à la médaille sur le tableau final. 


Œuvres terminées

Œuvres terminées

Une fois que tous les joueurs ont constitué leurs 3 tableaux et récupéré toutes les médailles correspondantes, c'est l'heure du décompte des points.

📝 Chaque joueur gagne :

- 2 points par médaille noire 

- et 3 par dorée (si extension Reflets il y a)

- puis il compte le nombre de médailles de chaque couleur indépendamment et récolte des points en fonction des cartes objectifs. 


🏆Le vainqueur pourra exposer ses œuvres transparentes dans tous les musées du monde en regardant 💀 les perdants tenter de refourguer leurs croûtes pour décorer les cadres vierges de Castorama. 

On pourra aussi, avec l’extension, demander à chaque joueur de choisir une de ses œuvres et de l’expliquer, version critique picturale, pour essayer de gagner le Prix d’Honneur du Public.


À 2 joueurs, on rajoute Vincent Changement (oui, j’ai gardé le Google trad' parce que ça donne tout, chez nous, normalement, c’est Dirk)

En début de partie, on donne 4 ou 6 palettes à Vincent, selon la présence de l’extension. 

À chaque tour, le joueur actif lance en l’air les palettes de Vincent et toutes celles qui retombent du côté peinture face visible sont égrainées sur les cartes. La première carte sans nouvelle palette est défaussée, les éventuelles palettes présentes dessus reviennent enrichir Vincent. 

Si ce dernier ne possède plus de palette, ou qu’elles retombent toutes du côté sans peinture visible, alors la première carte du marché est défaussée.


👀

Niveau matériel l’ensemble est plutôt joli et qualitatif. 

Les médailles sont épaisses et agréables à manipuler, les cartes plastiques sont superbes même si les illustrations peuvent être un peu, très, trop succinctes, entraînant des tableaux un peu vides au moment de les présenter au public (la toile de 2 mètres sur 3, avec un poisson en haut à gauche, une fleur en bas à droite et 2 rideaux sur les côtés peut laisser perplexe, mais l’art dans son ensemble peut parfois laisser dubitatif le plus âpre des connaisseurs, carré blanc sur fond blanc peut aller jusqu’à plusieurs millions de dollars…).

L’iconographie est très claire, et si vous avez les doigts propres, cela rend très bien, sinon ça fait gras… Le tapis de jeu est lui aussi très joli, mais avec une ergonomie proche du néant, et on lui préfère de beaucoup le plateau de l’extension tout aussi beau, mais plus pratique d’utilisation. 

Les règles sont très simples à appréhender et le jeu rapide à mettre en place à 2 comme à plus, ce qui est très agréable. 


Petit point à part, les boîtes de jeu sont tout bonnement superbes, elles sont d’ailleurs prévues pour être accrochées au mur en temps que déco, plutôt que de vieillir dans la ludothèque entre le Jamaica et Twilight imperium 72. L’extension sortie et celle à venir s’harmonisent à merveille avec la boîte de base. C'est une franche réussite.


On ne peut le nier, l’ensemble du jeu peut faire penser qu’à un Dixit d’un nouveau genre avec un superbe enrobage. 

On essaye d’associer ses cartes et de récupérer celle qui collera au mieux aux objectifs pour cumuler le plus de médailles. 

💭Dépenser beaucoup de palettes pour aller récupérer le chapeau à plumes avec une icône double carré sur le jaune et une médaille noire sur le vert serait top pour l’objectif bleu, mais après n’ayant plus de palette après coup, je serais soumis aux aléas du marché...

Ou alors prendre la boîte à bonbons moins intéressantes, mais me laissant plus de choix pour les tours suivant… 

L’hésitation, et la peur de la toile blanche, peuvent poindre le bout de leurs pinceaux, heureusement pas de course ici, la partie se termine quand tout le monde a fini, aucun cadre ne restera vierge si vous êtes trop lents, sauf si vos adversaires vous envoient des médailles à la figure pour accélérer le mouv'… 


Et tout le problème vient de ce mélange : faire de l’art avec ce type de mécanique. 

Très vite, on en oublie entièrement les illustrations pour se concentrer sur les icônes et leurs liens avec les objectifs sans s’intéresser au côté artistique du mélange, et c’est dommage.

On arrive à une question philosophique : l’art obéit il à des règles ? 

Vous avez 4 heures. 

Canvas en devient au final un jeu très abstrait avec un bel enrobage, mais on n’a pas l’impression d’être un artiste, de pouvoir faire son numérooooooo… Pardon… 

L’extension Reflets permet de pallier a minima cet écueil en créant le Prix Du Public, où on doit argumenter sur son œuvre la plus réussie, mais là encore ça tombe un peu à plat… Sauf si on a bu (beaucoup) d'alcool.


Attention, le jeu est très sympa et les parties amusantes, ici, on aime vraiment beaucoup, mais il est regrettable de ne pas rentrer dans le jeu, mais juste dans la mécanique, pour viser le meilleur score et non la meilleure œuvre. 

Mais l'art étant subjectif, que pourrait vouloir dire la meilleure œuvre ? 

Vous avez encore 4h, et un diplôme de philo à la fin de cet article.


L’extension, outre une nouvelle magnifique boîte dans le prolongement de la première, ajoute du matériel indispensable pour le plaisir de jeu (oui, encore une fois, je ne suis pas fan du tapis de tissu qui plisse partout et gêne le bon maintien des cartes très légères, en néoprène cela aurait été parfait), et le choix recto verso des tuiles donnent une stratégie supplémentaire intéressante dans le choix des cartes, elle en devient vite indispensable pour qui aime le jeu.

La 3e troisième extension parue sur KS, et peut être à venir en France, a l’air d’apporter aussi pas mal de nouveautés en plus de compléter le diptyque de boîtes à accrocher au mur, libérant de la place dans vos Kallax surchargées. 


👉Alors, à 2 c’est mieux ? 


L’arrivée de Vincent Changement dans la bataille permet de faire tourner plus rapidement les cartes (et donc d’en voir plus à chaque partie, soyons honnêtes, on le fait tous en ouvrant la boite du jeu : regarder TOUTES les cartes...), mais aussi d’obliger à affiner son choix, car rien ne garantit le maintien d’une carte même lointaine d’un tour sur l’autre, et d’augmenter l’acquisition de palettes à chaque tour pour aller plus loin dans le choix du marché. 


Cela rend ce jeu très agréable à 2 joueurs, et évite aussi la stagnation des dernières cartes sur le terrain version "le petit gros unijambiste et bègue" choisi en dernier pour le match de foot au collège. 


Après on est sur un jeu dont le matériel fait toute l’originalité.

La mécanique ne faisant pas la part belle aux illustrations, on prendra plaisir à admirer le matériel pour les joueurs habitués, les autres prendront plaisir sur la simplicité des règles et l’accessibilité de l’ensemble.

On peut donc le sortir facilement et avec tout le monde sur des parties courtes et sans prises de tête, plaisantes pour tous.


Par contre, avant de jouer, vous irez vous lavez les mains, les sécher et prenez les gants blancs à côté de la boîte pour éviter la grosse trace d’empreinte digitale grasse de Curly au milieu de tout ce plastique translucide.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Northgard : Uncharted Lands et ses extentions : mangez des pommes qu'il disait...

Vindication : il est méchant monsieur Brochant, mais plus pour longtemps.

Earth : sans humain, la terre est plus folle.