Rome & Roll : j'espère que vous avez rien contre un peu de suie...



Un jeu de David Turczi et Nick Shaw, illustré par Fabrice Wess et Andreas Resch, édité par Super Meeple.

Instant Wikipedia : Lucius Dominus Ahenobarbus alias Néron (plus simple n'est-il pas), est né le 15 décembre 37 et se suicide le 9 juin 68 après avoir été renvoyé sans prime de licenciement (oui les prud'hommes sont arrivés plus tard). Néron était, semble-t-il, un bon vieux despote monstrueux et tyrannique, on lui reproche beaucoup de chrétiens massacrés et le grand incendie de Rome en 64 (même si tous les historiens ne sont pas d'accord)
Tout est à mettre entre parenthèses, car les écrits sur Néron ont été écrits 40 ans après sa mort (déjà que j'ai du mal à me souvenir d’où j'ai posé mes clefs il y a 5 minutes alors 40 ans...) et copié par des moines chrétiens qui ne le portaient pas trop dans leur cœur, en même temps quand tu es co-croyant servent comme bois de chauffage, tu peux nourrir quelques rancœurs. 

Installation : 10 minutes
Règles : 30 minutes 
Temps de jeu : 45 minutes à 1 heure. 



Vous voilà brave consul essayant de rentrer dans les bonnes grâces de ce bon Néron, petit patapon, pour cela il s'agit de faire de Rome la plus belle ville de l'Empire, après avoir été réduite en cendre. 

En premier lieu, tous les consuls ont pris : 
- leur plateau joueurs (tous différents, donc asymétriques),
- leur feutre
- leurs deux meeples : le surveillant et le contre maître. 
On place le plateau Rome au centre de l'espace de jeu, les dés en fonction du nombre de joueurs, les cartes Néron, les cartes bâtiments au hasard (le temple, un bâtiment loisir, deux bâtiments armées, deux manufactures et deux bâtiments d’urbanisme), et les trois cartes dieux prises aux hasards auxquelles on ajoute Saturne si le consul associé est présent. 

Plateau joueur Patricia, recto 

Plateau joueur, verso, invariable

Les différents bâtiments Armée, dont la construction est de 4 carrés en haut à droite

Les différentes Manufactures, 4 cases, mais plus compliquées à placer

Les bâtiments de la catégorie Urbanisme

Les bâtiments de Loisir

Le temple, seul et unique

Les cartes Néron, 
dont le nombre de points de victoire descend crescendo 
selon l'ordre de réalisation des objectifs de plateau (cases bleues sur les plateaux joueurs, voir plus loin)

Les cartes faveur des Dieux

Les GROS dés

Et c'est parti pour construire Rome du mieux possible. 

Chaque manche se déroule en 2 phases :

Phase 1 : on va drafter deux dés, le premier dans l'ordre du tour, le deuxième dans l'ordre inverse, sauf si un joueur dépense un sénateur, lui permettant de prendre ses deux dés d'un coup (pour une fois qu'il ne dort pas sur les bancs du sénat celui-là).

Quand tout le monde est servi, on passe en phase deux.

Phase deux : dans l'ordre on va dépenser un dé pour faire une action, puis une fois que tout le monde a fait sa première action on dépensera le deuxième dé. On peut à tout moment faire une des deux actions gratuites.

Actions possibles :

Construire, après tout, on est là pour ça quand même... : on dépense un dé contenant un marteau pour faire l'action d'une carte libre (sans contre maître), ou un dé avec une équerre d'architecte, permettant de construire un bâtiment occupé, ou un bâtiment libre moyennant une ressource de moins. 
Une fois le dé choisi, on peut déplacer le surveillant d'un bâtiment (quelle que soit son appartenance) adjacent à sa position (ou plus moyennant un poisson, oui le surveillant a toujours une truite dans la poche en cas de fringale lors de ses ballades, l'anosmie peut aider), puis on dessine sur le plateau commun le bâtiment de son choix en mode Tetris, après avoir dépensé les ressources demandées (soit prises dans le stock soit notées sur le dé défaussé). 
Chaque bâtiment doit être accolé à un bâtiment existant auparavant. 
Attention à ne pas enjamber le Tibre ou le mur Servien, et à toujours construire les bâtiments sur une seule colline, ou sur une colline et un marécage, mais jamais sur deux collines en même temps. 
On active tous les bâtiments adjacents s'ils le peuvent, et on récupère un sénateur s'il est adjacent à un bâtiment adverse (il a dû être attiré par l'odeur du poisson du surveillant). 
Notre contremaître va se placer sur la carte du bâtiment le rendant inaccessible, jusqu'à ce qu'il bouge. 
Chaque bâtiment construit nous fait avancer d'un sur la piste des bâtiments. 
Et si on a construit un temple, on récupère une faveur des dieux utilisable à tout moment.

Lever une Légion (uniquement sur la musique Mon Légionnaire de Piaf) : on dépense un dé avec un vexillum ( ça en jette tout de suite plus que de dire drapeau), pour activer 3 bâtiments armés. Si le bâtiment ne nous appartient pas, son propriétaire récupère une pièce. Cela permet en général de récupérer quelques légionnaires.

Conquérir : on défausse n'importe quel dé pour aller conquérir une colonie d'une des quatre régions du jeu (et là, Astérix il est où ???)
Puis on compte nos légionnaires en stock + les éventuels pilums du dé défaussé, nous permettant de rayer d’une à plusieurs colonies, en partant toujours de la plus près de Rome au plus loin ( Gergovie a été prise avant Lutèce, bon, historiquement quasiment 100 ans avant la naissance de Néron, mais je crois que le jeu n'est pas vraiment une reconstitution)
On raye de colonies vaincues et on y laisse un légionnaire, dans chaque région conquise (les autres rentrent à Rome fêter la victoire)
On avance sur la piste de conquête d'un par drapeau sur les colonies conquises.
 
Développer (tous les chemins mènent à Rome, encore faut-il qu'il y ait un chemin) : on défausse un dé contenant un marteau et avec un caillou (de la réserve ou du dé), on peut construire une route d'une colonie déjà colonisée vers Rome (apportant une ressource de la région au propriétaire de la colonie), on augmente d'autant qu'indiqué sur la piste de gloire.

Taxer ( et oui ici aussi) : on défausse un dé pour taxer toutes les colonies d'une région et ainsi récupérer leur ressource. Si le dé contient une main alors on peut taxer toutes les colonies, quelle que soit la région, et là pas de gilet jaune pour râler.

Échanger : on échange trois ressources identiques contre trois pièces, les bijoux comptent comme joker. Si le dé contient une main et qu'on échange des bijoux, on récupère une pièce de plus par bijoux. Tous les joueurs peuvent activer un de leur bâtiment. 

On peut au début de son tour rayer un sénateur pour rajouter un symbole sur le dé. 

Les actions gratuites consistent à : 
- stocker les ressources non dépensées des dés défaussés, 
- à corrompre un conseiller pour obtenir bonus et PV en leur donnant panier poisson ou bijoux (ils avaient un truc avec les poissons, les romains, c'est un truc de dingue, tu te vois aller demander un service au conseiller de l'empereur en lui donnant un brochet ??) 

Chaque piste sur le plateau joueur contient une case bleue (le numéro est différent sur chaque piste, et sur chaque plateau), dès que la case bleue est atteinte, le joueur récupère une carte Néron. 

La partie se termine quand toutes les cartes Néron ont été récupérées. 

Avant le décompte de points... roulements de tambours...
Spoiler : défaite !!

On compte les points en ajoutant les scores des différentes pistes, des bâtiments, des conseillers, des cartes Néron, des sénateurs et des légionnaires. 
Le vainqueur devient le plus proche conseiller de l'empereur et pourra le pousser au suicide pour prendre sa place. 
Les autres finiront dans l'arène, après tout il faut bien nourrir les lions...

À deux joueurs : on retourne le plateau réduisant l'espace de construction dans Rome (d'ailleurs à deux joueurs, Rome perd sa septième colline, pauvre Quirinal), supprimant les bonus de ressources sur les lieux de constructions. On diminue le nombre de dés à deux jaunes, deux bleus et un rouge. Et là 2 versions 2 joueurs existent. Si on souhaite (et c'est fortement conseillé), on rajoute une partie des cartes du mode solo, les cartes constructions de Sénèque (qui était le précepteur de l'empereur, pour info), à chaque début de tour, on en retourne une envoyant le contre maître de Sénèque sur la carte plan indiquée ce qui empêchera les joueurs de construire ce bâtiment autrement qu'avec un architecte. Sénèque quant à lui ne construit rien et sert juste à empêcher de bâtir à son aise. 

Plateau central de 4 joueurs

Plateau central 2 joueurs

En violet, en haut de l'image, les cartes Sénèque, 
donnant le lieu où sera son contremaître.

Le jeu est à la base sorti sur une campagne Kickstarter et une extension a suivi il y a peu. 

Bon, commençons tout de suite par ce qui saute aux yeux, niveau graphisme, Jupiter !! Que c'est tristounet (Dieu était controversé à l'époque) !!! 
Tout ce mélange de marron n'est pas du plus bel effet, et rappelle un mix entre les livres d'histoire des années 80 et pour les personnages, un petit côté de la BD Alix (que je n'aime pas, mais qui a ses fans), alors oui clairement c'est après l'incendie de Rome de 64 et ça se voit, mais peut être qu'un peu de couleur aurait rehaussé les choses (le mix marron Bordeaux pour moi, c'est pour chocolat/Saint-Estèphe, pas jeu de société...)
Il est aussi dommage que le nom des ressources soit resté en anglais, même si c'est pour coordonner les initiales de chaque mot cela peut nuire à la fluidité pour les anglophobes, et il y avait moyen de simplifier le vocabulaire. 

En revanche l'ergonomie et la clarté des deux plateaux sont parfaites et fluidifient le jeu, le rendant clair et très accessible, quel que soit le niveau de l'adversaire sur ce jeu. 

Le point de vue historique est... Litigieux, outre le fait d'essayer de plaire à l'un de plus grands despotes romains réputés pour avoir fait brûler Rome, même si Tacite émet une réserve sur cette donnée, Néron est peu connu pour son architecture bien qu'après l'incendie il ait, semble-t-il, tenté de remodeler Rome à son idée avec les Insulaes. 
Instant Wiki bis : il ne reste de nos jours que la Domus Aurea, son immense palais dont il ne reste que des vestiges, mais où sa Cenatio Rortunda reste une merveille technologique pour l'époque, et même encore actuellement. 

Une fois passés les écueils historiques et visuels, on arrive au cœur d'une mécanique connu, le Roll & Wright, voulu plus expert que ses aînés. 
Et c'est le cas, fini les additions de chiffres pour savoir comment arranger au mieux ses combinaisons, et faire des suites, ici on se partage le plateau, et il faudra jongler entre les bonus à récupérer, et ceux offerts à l'adversaire. 
Toute action peut donner bonus et ressources aux adversaires, construire un bâtiment est bénéfique, mais activera les bâtiments voisins qui ne nous appartiennent pas forcément, prendre une colonie donne des points de victoire, mais permet a vos adversaires de rénover la route leur donnant des points de gloire, mais vous rapportant potentiellement une ressource, etc. 

Tout est magnifiquement imbriqué pour qu'aucune action, aucun dé ne soit choisi et fait au hasard sans risquer un retour de lituus.

Il faudra aussi jongler avec les collines et marécages romains, nos bâtiments ne pouvant chevaucher plusieurs collines. 

Ce R&W est donc loin des "petits jeux" à sortir pour une partie rapide entre néophytes. 
Et il faudra être suffisamment concentré pour avoir le timing de la partie et ne pas passer à côté de la partie (à l'époque il y avait peut-être un décalage horaire, histoire de consoler madame J...).

L'asymétrie de chaque personnage, et les quelques bâtiments et dieux surnuméraires permettent de renouveler agréablement les parties et de ne jamais se baser sur la même stratégie que la partie d'avant.

Au final, ce jeu est bon et oblige à la réflexion, et une fois passés les défauts de l'enrobage, et qu'on est lancé dans la partie, le temps file et la concentration reste de mise le temps d'une clepsydre de jour. 
Le plaisir y est, bon, clairement, c'est p'l'fun, oubliez les éclats de rire en imaginant les douze travaux d'Astérix, mais la concentration, la stratégie, la tactique sont des plaisirs non moins satisfaisants quand tout combote à merveille.


Alors, à 2 c'est mieux ?

Le rétrécissement du terrain permet au joueur d'être au coude à coude sur chaque colline pour pouvoir placer ses bâtiments comme souhaité, sans avoir l'impression de se sentir seul au monde. 

Il nous semble par contre nécessaire d'ajouter les cartes Sénèque pour avoir une vraie contrainte de choix des bâtiments à construire, et l'architecte prend du coup tout son intérêt, ainsi que les sénateurs pouvant faire le job en remplacement des symboles absents du dé choisi pour pouvoir prendre la place d'un contremaître inopportun.

Alors à deux, c'est mieux d'un point de vue temps de partie, forcément on raccourcit et on évite d'attendre 20 minutes entre chaque tour (tout le monde n'a pas Saturne dans sa poche), l'interaction grâce à toutes ses modifications reste bien présente et chaque action continuera d'être pesée avant d'être validée. 

Donc oui personnellement nous trouvons ce jeu mieux à deux, car les interactions existent toujours sans rendre les parties interminables et risquer de voir Letus venir nous chercher... 

En prime à 2 joueurs, chaque noble Romain pourra prendre un deuxième plateau sur son verso pour avoir une iconographie en rappel des symboles, et ça c'est cool. 

Si comme Rémus et Romulus tu te sens l'âme d'un bâtisseur, si tu n'as pas peur de déplaire à Janus alors lance-toi dans la rénovation de cette cité aux 2775 ans d'histoire (bon par contre évitez de tuer votre frère/adversaire comme Romulus si vous perdez ça fait mauvais genre de nos jours). 

Commentaires

  1. Bravo pour avoir rédigé ce super article de Rome and Roll.
    Vraiment aidant.
    Merci

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    1. Avec plaisir, et ravis que cela ai pu être utile ^^

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