Kanagawa : l'estampe ludique, un art délicat à maîtriser.


Un jeu de Bruno Cathala et Charles Chevallier, illustré par Jade Mosch, et édité par Iello.


Instant Wikipedia : 

La Grande Vague de Kanagawa est une des estampes japonaises les plus connues. 

C'est une gravure sur bois de 25,7 cm sur 37,9 cm (format dit oban yoko-e) réalisée en 1830 par Hokusai. 

La technique de réalisation est dite ukiyo-e, cela consiste à imprimer l’œuvre sur papier puis de graver de multiple couche de bois, chaque partie colorée étant obtenue par application d’une planche gravée particulière (tout de suite, le pot de gouache et les pinceaux de Mini J paraissent un peu… Succincts). Cette estampe fit rapidement le tour du monde, et inspira du beau monde : Monet tomba sous le charme et se lança dans la collection : à la fin de sa vie, il possédait 231 estampes (a priori toujours dans sa demeure, visitable, de Giverny), mais aussi la musique, où elle inspirera « La Mer » de Debussy. 

Tout ça pour conclure qu’il faudrait arrêter de croire que l’Europe inspire toujours le reste du monde…


Jeune artiste dans l’atelier du maître, vous vous apprêtez à vous jeter dans le grand bain et devenir maître peintre à votre tour. 

Heureusement, Hokusai senseï ne vous abandonne pas dans les rues d’Edo sans vous compagnonner un minimum, histoire que votre chef-d’œuvre ne sombre pas dans l’oubli et puisse être entreposé dans les plus grandes galeries d’art du monde.

Seul problème dans votre rêve de reconnaissance, Hokusai senseï n’est pas avare en enseignement et ses autres apprentis ont le même rêve que vous. 

Qui de vous fera la plus belle estampe et amassera moult points de victoire pour être appelé senseï à son tour ? 


Mise en place : 

Chaque joueur prend son estampe de départ indiquant une saison et l’atelier associés, il prend aussi 2 pinceaux. 


Les pions grand maitre et assistant au fond
Les nombreux pinceaux devant

Les tuiles de départ
Les jetons orage, qui sont des jokers


Le plateau de jeu en bambou est placé au centre de la table, le deck de cartes d’enseignement mélangé et placé en dessous avec la réserve de pinceaux, on place toutes les tuiles diplômes dans l’ordre, et les tuiles orages au-dessus.

  *  Les cartes enseignement présentent plusieurs informations : le dos indique quel sujet principal sera susceptible de se trouver sur la carte, le côté face à 2 parties : l'atelier (avec des caractéristiques de paysage, matériel et savoir faire particulières) et l'estampe (avec des caractéristiques de paysage, sujet principal, saison et bonus de fin de partie). 

  *  Le plateau de jeu en bambou indique des emplacements de cartes qu'on mettra faces visibles, ou faces cachées, selon les directives. 


Les cartes enseignement
Côté estampe sur la première ligne
Côté atelier sur la 2e ligne

Le plateau natte
Qui n'attend plus que ses cartes
Les cases en rouge sont les emplacements faces cachées

Les diplômes

Le premier joueur prend les pions assistant et grand maître. 


Maintenant, trêve de galéjades, il est temps de prouver votre talent et de faire une estampe digne de l’empereur.


Comment qu'on joue ?


Chaque tour de jeu se déroule en 3 phases.


— Suivre l’enseignement du maître : le premier joueur (celui en possession du pion grand maître) tourne un nombre de cartes enseignement égal au nombre de joueurs, et les place dans les cases du haut de la natte en bambou, face visible ou non en fonction des indications de la natte. 


— Puis dans l’ordre du tour, les joueurs ont le choix entre approfondir leurs connaissances, ou passer à la pratique. 


📜Si tous les apprentis peintres décident d’approfondir leurs connaissances, le premier joueur replace une ligne de cartes enseignement égale au nombre de joueurs ayant approfondi, en dessous de la ligne précédente. Les joueurs peuvent approfondir jusqu’à 3 fois, si on n’y arrive toujours pas il faut savoir se résigner… 


🎨 Si un apprenti décide de passer à la pratique, le joueur prend l’ensemble des cartes d’une colonne et devra les installer dans l’ordre de son choix à côté de sa tuile de départ, et une fois posée, c’est posé (les tournesols de Van Gogh ne se déplacent pas tout seuls s’ils sont mal placés, sauf peut-être chez Picasso). 


> Soit il les pose dans son atelier : il ajoute une couleur à sa palette, et il active les caractéristiques de l'atelier : il récupère immédiatement le matériel, et acquiert des nouvelles capacités si elles sont notées.


> Soit il prolonge son estampe en plaçant la carte à côté de la partie peinte de la tuile de départ. 

Pour cela, il faut avoir dans son atelier le ou les symboles correspondants à la carte et y poser un pinceau dessus. 

Une fois posé, le pinceau ne peut être déplacé que s’il y a des symboles double-flèche dans l’atelier, à hauteur d’un pinceau par flèche. 

Dans le cas contraire, il faudra récupérer d’autres pinceaux de la réserve. 


Toutes les cartes doivent être posées, sauf une par symbole de main dans l’atelier, qui permettra de garder une carte d’un tour sur l’autre. 


Une fois les cartes posées, le joueur peut réclamer un diplôme s’il respecte les conditions indiquées dessus (3 personnages différents, 3 pinceaux dans son atelier, etc.).

S’il choisit de un récupérer diplôme, il ne pourra plus réclamer un diplôme de même catégorie, ni de valeur supérieure.

Exemple : s’il décide de prendre le diplôme 3 arbres et que plus tard il se retrouve avec 5 arbres dans son estampe, tant pis (si on s’arrête au master impossible de briguer le doctorat), et inversement, s’il décide de ne pas prendre le 3 en espérant avoir plus d’arbres, il ne pourra y revenir s’il n’y arrive pas… Certains diplômes donnent un bonus à la récupération. 


 Nouvelle leçon : s’il reste un joueur en lice qui décide de suivre les enseignements alors que tous les autres tentent de voler de leurs propres ailes alors, ce joueur aura sa dernière leçon, avant de partir il ne pourra attendre d’avoir le maximum de cartes dans sa colonne pour avancer. 


Une fois le tour fini, le joueur avec le pion assistant embarque le pion maître et devient 1er joueur. 


La partie se termine quand le deck enseignement est vide, ou quand un joueur a 11 cartes dans son estampe. 


🏆Score : 

Les joueurs marquent : 

- 1 point par cartes dans l’estampe, 

- 1 point par cartes de même saison adjacente dans l’estampe (les orages sont des jokers, en plus d’empêcher Mini J de dormir), 

- les points positifs ou négatifs des cartes estampe et atelier, 

- les points des diplômes 

- et 2 points si en possession du grand maître (fayot). 


Le joueur avec le plus de points fera connaître ses œuvres au monde entier et les verra exposés dans les plus grands musées du monde. 

Les perdants essayeront de vendre leurs croûtes sur les marchés de la province de Kanagawa, sans grand succès, et devront se reconvertir en professeurs d’art plastique en France pour un salaire de misère… 


À 2 joueurs, il n’y aura que 2 colonnes de cartes enseignement sur le bambou. 


Niveau matériel, le tapis de jeu version natte en bambou est d’une rare qualité et tellement à propos ! 

Il donne un plaisir ludique et cutané certain à la manipulation. 

Les cartes sont claires, et respectent la sobriété des artistes japonais, c’est juste magnifique. 

Les pinceaux ont un petit côté pot de miel de Winnie l’ourson, et manque de stabilité, mais ça c’est juste pour râler un peu, parce que bon, qui ne râle pas n’est pas français, dans l’ensemble le matériel est de toute beauté. 


Le jeu est simple, fluide et mixe habilement l’opportunisme avec la prise de risque.

Attendre d’avoir une carte de plus sur la natte pour maximiser ses points, au risque de ne pas voir la carte désirée encore présente au tour suivant ?

Ou au contraire assurer la carte souhaitée, mais n’en prendre qu’une et ne pas pouvoir comboter… Prendre le diplôme à 3 arbres ou miser sur les prochains tours ? 

Tiens il manque un personnage à l’adversaire pour son diplôme, dois-je prendre la colonne 2 pour le bloquer ou la 3 qui m’arrange, mais avec une inconnue face cachée… 


Que d’inconnu et de doutes qui confirment qu’être peintre japonais n’est pas un long fleuve tranquille. 


Au final, un jeu très poétique, plein de douceur, tout à fait en adéquation avec son thème bucolique et propice aux songes et à l’envie d’aller au Japon (comment ça, toutes les excuses sont bonnes pour aller au Pays Du Soleil Levant ?!), avec une jolie rejouabilité.

Gageons que l’extension en rajoute encore. 

L’estampe a beau être difficile à réussir, cette itération ludique est parfaitement maîtrisée par ces auteurs. 


👉 Alors, à 2 c’est mieux ? 


À 2 joueurs, le choix des cartes sur le terrain est forcément plus restreint, 2 cartes par apprentissage donnera forcément un choix plus restreint et donc moins d’hésitation dans le stop ou encore, où les tours pousseront souvent à 3 cartes au départ avant de se restreindre pour essayer de coller à la saison principale de l’œuvre. 


Par ailleurs, la partie ne se finira qu’avec le premier à 11 cartes, on ne verra pas la fin de la pioche arriver. On surveillera forcément plus l’avancée de l’œuvre adverse pour définir si les cartes iront perfectionner l’atelier ou agrémenter l’œuvre principale, pour éviter d’avoir un atelier digne du maître, mais une toile rikiki en fin de partie, pendant que Mme J aura barbouillé à la va-vite 11 bouts de bois pour gagner malgré mon chef-d’œuvre en devenir (oui, la défaite rend aigris). 


En conclusion, un jeu de stop ou encore avec un splendide enrobage qui fera passer de doux moments autour de la table. 

Les choix un peu plus importants donneront des parties plus intéressantes à 4 joueurs, mais les duels restent intéressants et proposent un challenge plus proche du solo, mais néanmoins intéressant et on prendra plaisir à y revenir avec un verre de saké. Ou un thé bien chaud, selon l'heure de la journée.


Prenez place autour de la table, lancez votre CD de biwa en ré majeur, et allons transcrire cet esprit zen en peintures de rêve, jeune kohai. 

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