Avant-Après : et si on jouait maintenant ?


Un jeu d’Antonin Boccara, Jean-Baptiste Fremaux, Paul-Adrien Tournier, illustré part Martin Vidberg et édité par OldChap Games.

Instant Wikipédia : 
Am, stram, gram,
Pic et pic et colégram,
Bour et bour et ratatam,
Am, stram, gram.

Voilà une comptine que tous les enfants ont déclamée dans la cour de récréation pour savoir qui serait le premier Loup glacé. On la connaît tous, mais il faut bien avouer que personne n’en comprend vraiment la signification. 
Du coup, serait-ce une glossolalie poétique ?
Eh bien non : deux écoles s’affrontent ardemment pour traduire cette comptine.
Bon, ardemment, c’est peut-être exagéré, puisqu’en vrai tout le monde s’en cogne.
Mais ça met un peu de tension dramatique dans cet Instant Wikipédia.

La première l’interprète comme un dérivé de l’allemand : « am stram gram » serait issu du « Eins, zwei, drei » si cher au bobsleigh jamaïcain, et « reiter » se rapprocherait du « rata » de « ratatam », avec l’oreille de la foi, probablement.
La comptine se traduirait alors ainsi :

Une, deux, trois,
Vole, vole, hanneton,
Cours, cours, cavalier,
Une, deux, trois.

La seconde école voit cette comptine comme issue d’une incantation chamanique ancienne utilisée lors des cérémonies funéraires chez les Francs.
Cette psalmodie permettrait à l’officiant d’être pénétré par l’esprit du loup.
Cela donnait à peu près ça :

Emstrang Gram
Bigà bigà ic calle Gram
Bure bure ic raede tan
Emstrang Gram

Qui se traduirait par :

Toujours fort, Grain
Viens donc, viens, j’appelle Grain,
Surviens, car je mande au brin,
Toujours fort, Grain.
À manger !

Du coup, il reste à savoir si vous êtes prêts à invoquer un grand ancien dans le dos de la maîtresse pour débuter la partie…

Mise en place : 2 minutes
Règles : 5 minutes
Temps de partie : 20 minutes
Âge : 7 ans
Type de jeu : observation, enquête, communication
Thème : une histoire en deux temps



C’est bon : la chambre de Mini J est rangée, les vitres brillent, le lit est fait, les peluches peignées et alignées, et que dire du sol : on pourrait y manger sans trouver un acarien sur son boudin aux pommes. Une belle matinée de travail : Mme J va être fière de moi.

Et le soir venu, quand la patronne est entrée dans l’antre de la bête, quelle ne fut pas ma déconvenue en voyant ses cheveux s’ébouriffer et des fumeroles sortir de ses oreilles.
Le lit avait l’air sorti d’une orgie version Game of Thrones, les vitres pleines de traces de doigts, et une substance inconnue couvrait le sol, donnant l’impression de marcher sur Dagobah…

Il a dû se passer quelque chose pour que cette chambre passe d’un standing étoilé à un capharnaüm digne de Zalem… Un Avant et un Après, comme diraient d’autres. Car oui, il n’est pas question de remettre en cause mon talent de rangement.
Heureusement, une photo prise à la fin de mon organisation et une autre prise à l’entrée de la dame vont nous permettre de résoudre ce mystère sans remettre en cause mon efficience.
Enfin… j’espère.

🔧Mise en place
Chaque groupe prend l’une des deux feuilles relatives à la même enquête. 
On place le livret associé au centre de la table, on lit la ou les premières questions, et à vous de découvrir ce qu’il s’est passé.
Mini J, viens ici tout de suite : il faut qu’on cause.

Avant après, vue éclatée de l'éditeur

La démo Drôle de compétition

Le scénario La nuit au musée


📢Chaque joueur ou équipe observe son image. 
Puis un joueur ouvre le carnet et lit à haute voix les questions.

Qu’est-ce qui recouvre le sol de la chambre de Mini J ?

Ensuite, les joueurs se décrivent leurs images respectives sans jamais les montrer, en chantant un pic et pic et colégram pour savoir qui commence, par exemple (ouf, j’ai réussi à trouver un lien avec mon Instant Wikipédia chelou).

— Alors moi, sur mon image, la chambre semble bien rangée, mais on aperçoit entre le doudou et la veilleuse de Mini J une bouteille de Chimay bleue (la meilleure) qui vient d’être décapsulée.

— Ah bah, c’est marrant : moi, sur mon image, on voit Sirius le chat, moitié beurré, en train de faire du lap dance sur la poignée de porte devant le doudou Chatbus de Mini J, avec une bouteille couchée par terre qui semble s’être vidée de son contenu sur le parquet fraîchement ciré (non, ne rêvez pas : il n’y a pas de parquet véritable à cirer dans la chambre de l’héritier, c’est pour la mise en scène).

Conclusion : on pense que Mr J, fier d’avoir été efficace (qui a dit pour une fois ?) en ménage, a oublié sa bière en allant chercher la terreur à l’école.
Le chat, profitant de l’étourderie du maître, a tenté de se siffler la brune, mais n’ayant pas le coussinet précis, a renversé le doux breuvage sur le sol. Et malgré une langue agile, il n’a pu dissimuler sa bévue, et son taux d’alcoolémie miaule pour lui. Résultat : le sol est revenu à son état initial, voire pire : on se croirait dans un champ de maïs post-rave party.

🔍Un indice est en bas du livret en cas de doute, mais si la réponse vous semble convaincante, il ne vous reste qu’à tourner la page pour confirmer vos soupçons.

🏁La partie s’achève quand toutes les questions sont résolues, le crime étant — on l’espère — élucidé, ce qui permettra d’enfermer les affreux malfaiteurs en prison pour… au moins 21 jours, le temps d’écrire un livre, en gros, sur la difficulté de nettoyer une chambre d’enfant.

👥Pas de modification à deux joueurs.

👀
Les illustrations reconnaissables entre mille de Martin Vidberg donnent immédiatement une saveur particulière aux grandes cartes cartonnées, dont la qualité est top. Vu la taille des cartes, peu de chance que le gang des sleeveurs compulsifs y trouve son bonheur.
Les règles sont d’une évidence rare, et la partie se lance à peine la boîte ouverte.

Si on devait faire un reproche au jeu, outre le fait qu’il aurait pu y avoir plus d’énigmes dans la boîte, ce serait la petitesse des livrets qui, à l’opposé des cartes, peuvent être plus difficiles à appréhender pour les personnes à la vision défaillante.

❓Un jeu dont l’évidence fait loi, et on se demande pourquoi ça n’existait pas avant en jeu de société.
Cette thématique bien connue des rénovateurs de tout bord — la cuisine avant / après la peinture, le jardin avant / après l’arrivée du saule pleureur, voire l’avant / après un régime à 6000 sesterces à base de graines de chia marinées dans de la saumure fermentée (je suis sûr que ce régime existe)… — tout se rénove.

Dès la première minute, l’amusement est là.
On décrit son paysage, on essaie de repérer les onomatopées des congénères d’en face pour discerner ce qui semble pertinent ou non.

— Je vois un monsieur avec une queue de cheval et une glace deux boules. Pas de sourire narquois, Mme J, c’est aussi un jeu pour enfants.
— Alors, dans notre image, la glace est par terre et il y a un élastique pour cheveux accroché à la poignée de porte…

Dans ce jeu, le moindre détail peut avoir son importance : il faudra être un parangon d’observation pour s’en sortir. 
Mais ce qui est sûr, c’est que le plaisir est là et que les discussions vont bon train pour essayer de dénicher le point important — ou même ce qui n’existe pas, mais qu’on cherche quand même.

Cela faisait longtemps qu’un jeu ne nous avait pas apporté ce vent de fraîcheur, et que Mme J n’avait pas frétillé comme une puce au salon de la moquette, demandant une nouvelle partie — ce qui, il faut bien l’avouer, est plus facile à obtenir qu’un bis repetita d’Ark Nova.

👉Alors, à 2, c’est mieux ?

À deux joueurs, chacun a sa carte et la décrypte seul pour communiquer ce qu’il pense pertinent à son partenaire afin de trouver les réponses.

Nous avons donc, d’un côté, une Mme J qui aime la précision et qui va expliquer tous les dégradés de traces sur cette maudite fenêtre, tandis que Mr J vient de découvrir que la housse de couette était violette alors qu’il était persuadé qu’elle était léopard lorsqu’il l’a installée — manquant de mourir trois fois étouffé et une fois d’une chute par la fenêtre — expliquant par la même occasion les traces de mains dessus, avant de réussir à l’enfiler (toujours la couette, jeu pour enfant, tout ça).
Comme quoi, le sens du détail, c’est deux poids, deux mesures à la maison.

À deux, il ne faut pas hésiter à bien regarder, car on est seul. Après, très franchement, du moment qu’on n’a pas dans son équipe la reloute qui parle tout le temps, qui accapare l’image sans écouter les coéquipiers, on s’amuse, quel que soit le nombre de joueurs, pour des parties courtes et fun.

Un jeu qui semble une évidence, et il nous tarde d’y revenir et de voir arriver de nouvelles boîtes que l’on espère plus garnies.

Et au final, il reste à savoir ce qu’il s’est passé avec ce lit : Mini J l’a-t-il pris pour un trampoline ?
Eh non : pour une fois, il n’y est pour rien dans cette bérézina — c’est juste Mr J qui ne sait pas faire un lit…

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