Let’s go to Japan ! Et sans visa, ni décalage horaire.
Un jeu de Josh Wood, illustré par Chaykov, Erica Ward, Kailene Falls, Magdalena Pruckner, On Yamamoto et Toshiyuki Hara, et édité en France par Don’t Panic Games.
☝Instant Wikipédia :
Vous avez tous, dans votre entourage, un jeune-vieux. Vous savez, celui qui fait toujours des blagues beaufs pour essayer de paraître plus jeune. Et si vous ne voyez pas qui c’est autour de vous, il est temps de vous poser des questions.
Au Japon, on associe ce genre d’humoriste sur le retour, friand de phrases bien senties version « sentez, mais pas des pieds ! », ou des éternels « bananiversaires », « noyeux Joël » et autres « qu’est-ce qui est jaune et qui attend ? Jonathan ». Ça y est, vous l’avez repéré, le patron, le beau-père ou le collègue relou ?
En France, on dit « vieux beauf » ou « crise de la quarantaine de l’humour ». Au Japon, ils sont nommés oyaji gyagu. Oyaji signifie « personne âgée », avec à l’origine un côté paternel, mais ici cela désigne plutôt une personne d’un certain âge, soit 35-40 ans (et là, je me prends le coup de vieux du siècle). Malgré tout, le suffixe -san, souvent associé, lui donne un côté plutôt affectueux. Selon le contexte, cela peut aussi être traduit par « qui fait vieux » ou « vieux pépère ».
L’ajout de gyagu renvoie donc à des gags peu recherchés, redondants, appréciés par le Japonais moyen d’environ 40 ans. Nous n’en citerons qu’un : konbanwakige (ça s’écrit comme ça si vous voulez signer vos mails pros : こんばん脇毛), contraction entre konbanwa, signifiant « bonsoir », et wakige, se traduisant par « poil sous les aisselles ».
Et voilà, grâce à nous, vous pourrez toujours être un beauf, mais un beauf bilingue — et ça, ça n’a pas de prix…
Mise en place : 5 minutes
Règles : 10 minutes
Temps de partie : 35 minutes
Âge : 10 ans
Type de jeu : placement de cartes, organisation
Thème : Japon, apprenti organisateur de voyage.
💂 — Et si on se prévoyait un petit voyage au pays du soleil levant, madame J ?
💃 — Ah oui, bonne idée ! Je suis sûre qu’il y a plein de temples à visiter…
💂 — Oui, et le musée du manga ; je rencontrerai peut-être Urasawa…
💃 — Et des sushis et des ramens…
💂 — Et Okinawa, et…
💃 — Bon, par contre, hors de question que tu nous sortes tes quatre mots de japonais pour te la raconter. Regarder des animés en VO ne fait pas de toi un bilingue ; on a déjà assez de Christina Cordula pour faire semblant de maîtriser plusieurs langues…
💂 — Mais je…
💃 — Tututu, tu te tais. Bon, maintenant, prends un cahier, un stylo et un emprunt bancaire, et on planifie cette semaine de A à Z, histoire de rentabiliser chaque seconde là-bas, encore plus sûrement que Monk.
💂 — Une semaine, c’est tout ?
💃 — Bah, c’est une introduction pour un jeu de 35 minutes, donc oui, une semaine…
💂 — OK alors…
Et c’est à peu près ainsi que les auteurs du jeu ont créé Let’s Go to Japan, sauf que le Covid les a empêchés de partir…
Il s’agit de la version boutique ; je n’ai pas eu le courage d’hypothéquer un rein pour la merveilleuse édition Matsuri.
🔧 Mise en place : on mélange séparément les decks Kyoto et Tokyo, puis on les place au centre de la table avec les différents jetons (Joker, Train, Recherche, Balade) et la piste Suivi des tours. Chaque joueur prend son plateau Organisation, y place ses jetons Stress, Bonheur et Humeur sur leurs emplacements respectifs. Pour finir, chaque joueur place ses cinq jetons Expérience au début de la piste, et le premier joueur place au hasard ses six jetons Condition favorable sur les différents jours de la semaine ; les autres joueurs les placent à l’identique. On prend son jeton de train de départ, et vous voilà fin prêts pour… laisser Mme J organiser le voyage à ToKyoto (blague d’oyaji).
📢 La partie se déroule en treize tours ; à la fin, votre voyage sera booké.
Il sera alors temps de partir et de compter les points.
🔁En fonction du tour, vous piochez une à deux cartes Tokyo et une à deux cartes Kyoto dans les decks centraux, ou toutes les cartes de votre réserve personnelle, selon l’indication de la piste Suivi de tour.
Après avoir admiré vos magnifiques cartes à l’image de la culture japonaise, vous en placerez la moitié dans votre voyage et l’autre moitié dans la réserve de votre voisin de gauche, sans qu’il n’en connaisse la teneur.
Les cartes gardées peuvent être placées en face de n’importe quel jour de la semaine, avec un maximum de trois cartes par jour. La carte peut être placée dans n’importe quelle position, même s’il y a déjà des cartes sur le jour choisi ; mais une fois posée, elle ne peut plus être déplacée, comme Mme J devant The Boys.
Il n’y a aucune condition de pose : il est seulement recommandé d’éviter de faire trop d’allers-retours Tokyo-Kyoto. On peut aussi la placer face cachée pour faire une balade, octroyant un jeton Recherche ; ce dernier peut être défaussé pour piocher trois cartes puis en défausser trois au début de son tour.
Si jamais un nouveau jour contient trois cartes à la fin de votre tour, vous procédez au décompte des icônes en haut des cartes : en fonction du nombre d’icônes corrélé à l’icône Condition favorable de la journée terminée, vous gagnez le bonus indiqué sur le plateau. Ce bonus peut permettre d’ajouter une carte Balade supplémentaire sur la journée finie, seule façon d’en avoir plus de trois.
🏁À la fin du treizième tour, l’ensemble des jours contient trois cartes Activité (ou plus, avec les balades optionnelles). On procède alors au décompte jour par jour.
📝Pour chaque journée, on gagne les points indiqués en haut à droite des cartes ; on avance les jetons Expérience d’une case par icône représentée sur les cartes ; on avance sur la piste d’Humeur — et donc de Bonheur ou de Stress (autant l’Humeur est variable, telle une Mme J en fin de journée : aura-t-elle faim et sera-t-elle prête à nous éviscérer pour un chocolat, ou aura-t-elle trouvé un Lindor noir au travail et arrivera-t-elle en ronronnant ? That’s the question ; autant les deux autres ne peuvent que progresser : on ne perd ni stress ni bonheur).
La dernière carte de la journée donne un bonus en fonction de l’avancée des jetons Expérience (et non de leur avancée future : on vit au jour le jour en vacances). On peut à tout moment défausser les jetons Joker gagnés pour avancer un marqueur d’une case.
À chaque balade, on décide si on la garde ou si on la retourne à nos risques et périls : vous avez autant de chance de vous retrouver dans un super resto de sushis que dans un karaoké (et là, je ne sais qui souffrira le plus : nous ou ceux qui risquent de nous entendre).
Pour finir, on place un train sur chaque carte indiquant un changement de ville (même si c’est le Japon, il n’y a point de téléportation). Vous avez votre train de départ, et ceux gagnés pendant la partie — qui octroient un bonus de voyage de luxe — ; sinon, vous les prenez dans la réserve, moyennant un malus de stress (l’Intercités, c’est chiant, quel que soit le pays).
Une fois tous les points des cartes, des trains, du marqueur Bonheur, des jetons Recherche gardés et des marqueurs Expérience additionnés, on soustrait les points de Stress : cela définit le score final, entre 🏆 celui qui profitera au maximum des vacances et 💀celui qui, après un retard d’avion et une perte de bagage, se choppera une hépatite A au premier maki saumon et finira son séjour en testant le système de santé nippon (ho surprise : il n’est pas meilleur que le français)…
👥Pas de modification à 2 joueurs.
👀
➕/➖
Niveau matériel, il s’agit de la version boutique — comme dit précédemment — : c’est très épuré et parfaitement thématique.
Les cartes version tarot sont joliment illustrées et le petit descriptif est fort plaisant.
L’iconographie est claire et ne nécessite aucun retour aux règles, et tant mieux, car celles-ci ont une organisation peu intuitive : avant de les avoir terminées, voire avant de commencer le jeu, on n’est pas sûr d’avoir compris ni le but ni la mécanique, reprenant la maxime « apprendre en jouant, c’est plus facile », phrase plus souvent entendue chez les joueurs de Uno que chez les amateurs de Black Rose Wars. Les cartes auraient mérité un peu plus d’épaisseur, car elles gondolent un peu dans la boîte, cette dernière étant d’ailleurs un peu petite pour pouvoir tout ranger simplement dedans… finalement, j’aurais peut-être dû le vendre, ce rein : un seul, ça suffit, non docteur ?
❓Le Japon : une destination qui nous a toujours fait rêver, beaucoup moins le banquier et l’empreinte carbone. Alors voyons si le jeu rend hommage à cette destination.
La partie débute toujours de façon hasardeuse : lors des premiers tours, on pose une carte sans trop de stratégie ; on se focalise surtout sur les points qu’elle apportera et sur son iconographie pour coller au jour de la semaine. Puis, au fur et à mesure de l’évolution du jeu, on commence à être plus tatillon sur quoi mettre où — et surtout sur quoi donner.
💭 La tour de Tokyo est stressante, mais 10 points de victoire, ce n’est pas rien, et la placer en fin de journée me donne un beau bonus si j’arrive à répondre à ses prérequis.
Et puis il faut essayer de ne pas faire trop d’allers-retours : un passage dans le shinkansen, c’est sympa, ça fait local, mais y passer son voyage — même si on est loin du Ouigo — risque de manquer de charme, sauf peut-être si Sheldon est du voyage.
Les premiers tours sont très rapides : on pose et on donne. Puis la partie avance, on devient hésitant : le musée du manga a l’air sympa, mais m’oblige à retourner à Kyoto ; certes, l’iconographie m’arrange, mais le donner au voisin risque de l’arranger encore plus. Sinon, je pose le temple de Hie-Jinja, ce qui me permet de rester à Tokyo, mais le reste n’est pas captivant… Bon, va pour un départ Kyoto : j’essaierai de choper un passe de luxe pour le prochain voyage en train. Pour les prochains jours, il faudra essayer d’augmenter le bonheur : à force de faire des activités stressantes, j’ai l’impression d’être au taf…
Les tours s’enchaînent, avec un twist lorsqu’on doit piocher les cartes mises en réserve par l’adversaire : s’il ne les a pas prises, en général, ce n’est pas pour rien, et le cours de tambour traditionnel me donne déjà des acouphènes rien qu’en pensée, tandis que le fundoshi ne me va ni au teint ni aux hémorroïdes… Et le décompte est un vrai moment de plaisir : on découvre si la programmation de notre voyage était pertinente, si les activités s’enchaînent à merveille ou font un flop… Cette partie est un peu plus solitaire et peut sembler longuette, mais rien n’empêche de raconter son voyage comme si on y était (sans les détails du nouage raté du fundoshi ayant laissé sortir sa propre mini-baguette au moment de frapper dans le taïko).
Au final, un jeu original qui donne envie de voyager à travers le pays du manga et qui nous transporte dans son univers à merveille. On a très envie d’y revenir, voire de réitérer l’expérience avec d’autres destinations (là, je pense plus à Auckland, Queenstown qu’à Saint-Denis Sartrouville, si vous voyez ce que je veux dire). D’ailleurs, je crois qu’une version Let’s Go to France est en préparation, avec Lecornu qui tente le Let’s Go to 1er ministre, mais qui fait beaucoup d’allers-retours.
👉Alors, à 2 c’est mieux ?
À deux joueurs, ce qui va changer, c’est le retour de karma. Car c’est bien mignon de donner toutes ses cartes pourries à son voisin : le séjour dans un hôtel de luxe tokyoïte (beaucoup trop cher), le match de base-ball (soporifique), le cours d’ikebana (avec mon allergie aux pollens, mes yeux vont se transformer en umeboshi), sans parler des kushami, qui ont trop de significations cheloues dans ce pays… Quant aux onsens, comment dire : hors de question que j’aille dans une eau contenant les fluides corporels d’inconnus, quelles que soient leurs origines ethniques. Quand je les vois au taf, c’est déjà rédhibitoire, donc toutes ces cartes sont refilées l’air de rien à Mme J.
Mais à deux joueurs, au moins deux de ces cartes reviendront vous tourner autour à un moment donné : il faudra l’inclure dans sa stratégie pour ne pas être pris au dépourvu quand l’ikebana sera revenu… à tes souhaits…
En vrai, le jeu est original et fort sympathique, quel que soit le nombre de joueurs. À deux, on revoit des cartes qu’on n’espérait plus jamais revoir, un peu comme une ex mutée dans le même service : il faudra s’en accommoder sans lui arracher les yeux… Et pour conclure tout ça : cela faisait longtemps qu’un jeu avec une mécanique originale ne m’avait pas donné envie d’y revenir aussi souvent. Une vraie belle surprise qu’on ne peut que conseiller à tous les amateurs de programmation et de Japon.
Par contre, on en parle d’avoir préparé un voyage de rêve et de le ranger sans même avoir goûté à la saveur d’un thé matcha traditionnel servi par une geisha ? Raaah… on en refait une partie pour adoucir ma frustration, ou on se fait le voyage ?









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