Project L et ses extensions : le Tetris en plastique et sans musique, que demande le peuple ?


Un jeu de Michal Mikeš, Adam Spanel, Jan Soukal, illustrée par Jaroslav Jurica et Pavel Richter et édité via une campagne Kickstarter par Boardcubator.

Instant Wikipedia : le Tetris est à la base d’un jeu vidéo créé par Alexeï Pajitnov, aidé de Dmitri Pavlovski et Vadim Guerassimov en 1984 sur Elektronica 60 (à par Marcus, peut-être tout le monde à oublié cette console)
Le nom du jeu est un raccourci entre Tetraminos (un des jeux préférés du créateur et tennis, son sport favori, on n’est pas passé loin d’un jeu qui s’appelle « la bonne ball »)
Robert Stein se retrouve à négocier les droits de la licence dans le reste du monde, après l’avoir vendu à un peu tout le monde en exclusivité (oui, je sais, il y a un truc qui cloche…), et c’est quand Nintendo en a voulu pour la sortie de la Game Boy que le schmilblick juridique de la licence est apparu au grand jour, et débuta alors un combat épique entre Microsoft, Atari et Nintendo pour qui aura l’exclu. 
Atari perdit, se retrouvant avec des milliers de cartouches dans les entrepôts, pour les deux autres...  statu quo (dommage que Vlad n’était pas encore aux commandes de la Russie, il aurait conquit le Japon pour tout récupérer, et les sushis auraient été remplacés par du bortsch… youpi)
Au final, Pajitnov récupère ses droits une fois que Nintendo lui a filé plein de tunes, et en 1996 fonde The Tetris Company, qui gère les droits sur toutes les plates-formes et engrange un bénéfice conséquent. Et enfin, en 2005, Electronic Arts rachète les droits pour mobile et depuis tout le monde a une petite part du gâteau. 
Les trois musiques du jeu toutes plus entêtantes les unes que les autres sont tirées de Korobeiniki par Nikolaï Nekrassov, Katyusha par Matveï Blanter, et de la Suite française n° 3 en si mineur, menuet par Johann Sebastian Bach.

Installation : 5 minutes
Règles : 10 minutes
Temps de partie : 35 minutes. 



Le jeu vu ici est issu de la deuxième campagne KS en anglais, mais les règles en français sont disponibles, et aucun texte n’est présent sur le matériel, sauf sur l'aide de jeu, qui reste assez claire.

Vous voilà… En fait, vous voilà rien du tout, quand on joue à Tetris, on n’a pas de scénario, on fait tomber des briquettes et on casse des lignes, à part peut être Dr Mario qui a vaguement scénarisé le jeu. Ici, pareil, pas de scénario, vous essayez de remplir des trous avec des formes et c’est déjà pas mal. 

La mise en place consiste à placer tous les polyominos par forme (enfin, ça n’est pas obligatoire, mais sinon c’est chiant) à côté du jeu, puis on mélange les puzzles blancs et on en fait une ligne de 4, puis on prend au hasard un certain nombre de puzzles noirs et on en fait une ligne de 4. 
Chaque joueur prend un carton devant lui faisant office d’aide de jeu en bonus et un polyo de valeur 1 et un de valeur 2 (il faut peut-être éviter d’écrire polyomino en version raccourci, certaines personnes risqueraient de le prendre pour elles)

Chaque manche les joueurs réalisent 3 actions chacun leur tour. 
Les actions consistent en :
— Récupérer un puzzle d’une des lignes, avec un maximum de 4 puzzles en cours de réalisation. On en remet immédiatement un dans la ligne du marché concernée. 
— Remplacer tous les puzzles d’une des lignes du marché par d’autres de la réserve. 
— Échanger un de ses polyominos en le remettant dans la réserve pour en prendre un autre soit de taille juste supérieure, soit de même taille, mais de forme différente ou de taille inférieure. 
— Placer un de ses polyominos sur un de ses puzzles. Si on le termine, on le place dans la zone terminée en récupérant son bonus (en général un nouveau polyomino), et on remet dans notre réserve les polyominos ayant servi à sa construction. 
— Réaliser un coût de maître en plaçant un polyomino sur chacun de ses puzzles (action ne pouvant être réalisée qu’une fois par manche).

Le jeu de base


On joue à tour de rôle jusqu’à ce que le dernier puzzle à dos noir ait été retourné, on fini le tour, on en refait un complet puis chacun peut essayer de finir les puzzles en cours en plaçant ses polyominos restants, mais il faudra soustraire un point par polyomino placé à ce moment là. 

On compte les points sur les puzzles terminés. 

Le vainqueur aura la possibilité de battre le record posthume du plus grand champion du monde de tout le temps j’ai nommé : « Jonas Neubauer », jamais égalé (en même temps c’est aussi le dernier champion, les championnats se sont arrêtés pour cause de Covid), les autres dormiront avec la musique de l’itération russe du Tetris ad vitam. 

À deux joueurs le deck de puzzles noirs se réduit à 12 tuiles.

Il existe 3 extensions, enfin 2 et 1 mini plutôt.

Le pack Ambassador rajoute 2 tuiles et 1 pièce de marqueur de premier joueur. 
Ces tuiles contiennent en récompense un symbole M, permettant, une fois construite, de faire l’action Ambassadeur, qui là s'appelle Master.
Cette action est la même que le coup de maître, la différence est qu’on peut la réaliser autant de fois que l’on a de puzzles ambassadeurs dans sa réserve de puzzles terminés, oui donc au maximum 3 fois, si les tuiles sont sorties, et si on les a terminés, et ceux une fois par partie, et si… 
Oui, vous l’aurez compris, cela n’est pas la mini extension qui révolutionne le jeu.


Le pack Ambassador


Ghost Piece : 
Cette extension rajoute de nouvelles pièces fantômes (ce qui, au vu du nom de l’extension, est hyper surprenant), polyominos de 5 morceaux (au lieu de 4 pour les plus grands), et de nouveaux puzzles blancs et noirs. 
Outre le fait qu’ils sont plus grands, ces polyominos ne peuvent être récupérés qu’en gain de puzzle blanc terminé, ou avec les améliorations de tuile en récompense de puzzles noirs terminés. 
En aucun cas on ne pourra les prendre autrement, n’est pas ghostbuster qui veut.  

Une nouvelle action est possible : l’action fantôme permettant de détruire son polyomino noir pour le transformer en plusieurs polyominos, autant qu’on le souhaite du moment que le cumul final de polyominos récupérés peut reproduire exactement la forme du fantôme détruit.

On voit bien les magnifiques traces de doigts 
sur l'excellente extension Ghost Piece


Finesse :
Cette extension va rajouter des objectifs de manches, en début de partie on prend 6 tuiles C, 2 A et 2 B, on les mélange et on les place sous les marchés des puzzles avec les deux plus à gauche cachés, on place à côté le stock de crédits.

Le fameux pack Finesse, 
avec ses crédits en vrai métal dans la version KS

Vite fait, de loin, quelques exemples de tuiles Finesse

À partir de la troisième manche, toutes les tuiles missions sont retournées. 
La tuile la plus à gauche sera la mission du tour. 
Cette dernière demandera de placer un certain type de polyominos, d’en avoir dans son stock, ou de faire certaines actions.
Si les conditions sont requises, on récupère un certain nombre de crédits indiqués sur la tuile. 
Ces crédits servent soit à en défausser 2 à notre tour pour faire une action en plus (et ceux autant de fois qu’on a de paires de crédits), soit, en fin de partie, de défausser un crédit par polyominos placés lors de l’action finale pour éviter de perdre des points de victoire, les crédits ne servant sinon qu’à départager les égalités (on achète l’arbitre, et paf c’est la victoire).
À la fin de la manche, on défausse la tuile Finesse active, la suivante indique le nouvel objectif de la nouvelle manche. 
Si à la fin des tuiles Finesse, il reste des puzzles noirs dans le deck, la partie se termine quand même. 

Les jeux abstraits ont souvent une apparence froide et dépersonnalisée pour laisser la place à la stratégie sans être déconcentré par l’enrobage (parce que oui l’échiquier Harry Potter, il a la classe, mais à chaque fois que je perds un cavalier, je vois un rouquin concon se casser la gueule sur le marbre et ça me déconcentre a minima), ici la pureté l’emporte et fait de ce jeu une pure beauté.
De la boîte d’un noir immaculé (bon, si vous ne la toucher pas avec des gants elle sera vite moins immaculée, et une preuve à charge pour toute analyse d’enquête sur qui ne c’est pas lavé les mains après sa dernière poignée de Curly avant de jouer à mon jeu, bordel), les polyominos sont super agréables à manipuler, et possèdent de belles couleurs chatoyantes, et les puzzles sont épais juste se qu’il faut, transformant les parties en œuvre digne de Piet Mondrian. 
On se retrouve parfois à se dire qu’on va attendre d’avoir une pièce d’une autre couleur pour finir son puzzle pour le colorer plutôt que de tout faire en bleu, bon après on veut gagner aussi donc le bleu c’est bien, n’est-ce pas monsieur Klein.

Une fois qu’on en a pris plein les mirettes (oui, j’ai pris 50 ans d’une seule expression), la mécanique du jeu est pourtant simple, mais très bien penséen.
On retrouve la mécanique de l’excellent City Blox de Jacob Berg avec ses legos, mais en beaucoup plus expert. 
Le Puzzle Game prend tout son sens ici, et chaque action nécessite de conceptualiser la suite pour avoir les bons polyominos au bon moment, la vision dans l’espace est pourtant moins mise en avant qu’on pourrait s’y attendre, et même madame J, qui a encore du mal avec certains jeux de formes de Mini J, y arrive très bien *Mme J part en claquant la porte*.

On regrette juste l’absence d'une petite ardoise compte-points, ou d'un bloc note pour décompter les points de victoire, et surtout ne pas oublier ce qu’on a soustrait sur la dernière action du jeu.
Après, en vrai, une feuille et un stylo marchent aussi bien, mais bon c’est toujours un petit plus appréciable.

Autant l’ambassador pack relève plus du gadget qu’autre chose, autant l’extension Ghost apporte une vraie plus value avec ses nouvelles tuiles et le mécanisme d’échanger un polyomino contre plusieurs donne une nouvelle saveur aux parties, sans parler de l’extension Finesse qui complète parfaitement la gamme, avec ses objectifs de fin de tour, obligeant à anticiper encore plus que d’habitude, et la fin de partie qui oblige à ne pas trop traînasser pour faire sa main en polyominos. 

Et pour une fois, je le dis, pour nous ces deux extensions sont indispensables pour profiter pleinement de cet excellent Tetris sur table.

Alors, à 2 c’est mieux  ?

La réduction du nombre de puzzles noirs, et donc la réduction du temps de partie, permet d’éviter que les parties ne s’éternisent.
Cela permet aussi de maintenir une certaine tension de vitesse, les puzzles blancs n’apportant que rarement des points de victoire, il sera du coup intéressant d’alterner entre les blancs, faciles à faire pour augmenter son nombre de polyominos, et les noirs pour gagner des points de victoire, sauf que leur quantité très limitée à 2 oblige à faire des choix et de surveiller l’avancée de l’adversaire et la diminution du tas avant toute action.

À deux joueurs, on ne verra que rarement la ligne des tuiles finesses entièrement défaussée sur la partie, et il aurait peut être été plus judicieux de réduire leur nombre pour augmenter encore un peu la tension de fin de partie.  

Dans ce type de jeu, l’interaction est faible, mais la nécessité de surveiller l’avancée de l’adversaire le rend tout aussi passionnant à deux qu’à plus, et on aura souvent envie d’y revenir même si le temps de partie est un peu plus long que d’habitude.

Il est important de bien distinguer les jeux de polyominos et ceux de Puzzles Game, ici on est dans un mix parfait et plaisant des 2 styles, les parties sont donc rallongées sans être interminables. 

Je vous aurais bien mis les premières notes de la partition de Tetris au piano pour vous encourager à vous lancer dans le jeu, mais je suis aussi doué en solfège que Babar en saut à la perche, donc je vais m’abstenir et vous encourager à venir entasser de la briquette. 

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