My City : legacy et polyominos font-ils bonne cité ou village fantôme ?

Un jeu de Reiner Knizia, illustré par Mickaël Menzel et édité par Iello.


Instant Wikipedia : la première ville, ou cité, est apparue en Mésopotamie au 4e millénaire avant notre ère, pendant la période d’Uruk, c’est l’évolution logique des sédentarisations des peuplades du néolithique. 

La définition de la ville à cette époque reste floue, elle se définit plus ou moins par sa taille (oui, des fois la taille, ça compte), mais surtout par son environnement démographique où la population est suffisamment nombreuse pour qu’une partie ne vive pas des travaux agricoles. 

La première grande ville est Uruk où naîtra l’écriture (les habitants ne sont pas les Urukai de Saruman), nous verrons dans la suite l’apparition d’Ur, Ninive ou la fameuse Babylone (dirigée par Boney M), toutes construites près de cours d’eau pour assurer la subsistance des habitants et une frontière naturelle. 


Installation : 5 minutes

Règles : 8 minutes

Temps de partie 15 minutes par scénario ou 45 minutes par enveloppe.



Tel Charles Ingalls, vous arrivez dans une jolie zone chatoyante où la nature règne en maîtresse, une forêt touffue de conifères, une belle rivière qui clapote dans la prairie, et ces majestueuses montagnes où l’aigle domine les cieux. 

Et comme tout bon pionnier qui se respecte, vous vous dites que, décidément, y a trop d' vert, et décider d’implanter votre Walnut Grove personnel. 

Reste à savoir quel pionnier créera le nouveau fleuron du Minnesota ludique. 


L’installation consiste :

- à placer son plateau de campagne et les polyominos avec l’animal associé dans leurs dos devant soi (dans l’idéal, on trie les polyominos par forme, ou par couleur, ce n’est pas obligatoire, mais fluidifie la partie)

- chaque joueur place son marqueur score sur 10, 

- on mélange le deck de cartes que l’on place au centre. 


Un plateau tout beau tout vierge, du joueur rouge "ours"

Les polyominos du joueur jaune "aigle"

Les cartes (ô surprise)

Une carte un peu spéciale : 
la prochaine tuile représentée sur la carte ne sera pas jouée dans cette partie ! 

On ouvre l’enveloppe du scénario en cours et c’est parti pour qui de Charles Ingalls ou Isabella Queen fera la plus jolie ville, reste à savoir si Mini J tombera dans les champs en courant sur un générique désuet.


Les fameuses enveloppes
Tintintintiiiinnnnn

Le jeu se veut comme une campagne legacy de par ses enveloppes, une fois terminée, on retourne le plateau pour pouvoir jouer éternellement sur un plateau fixe. 

Nous aborderons surtout le cœur du jeu avec sa campagne legacy, tout en en dévoilant le moins possible.  En effet parler de la partie éternelle du jeu dévoilerait l’évolution des parties legacy.

Nous n'aborderons que l'essentiel des règles initiales, car comme tout legacy, les règles évoluent, ce qui est interdit à la première enveloppe peut être autorisé 3 enveloppes plus tard.


Une fois l’enveloppe ouverte et les consignes données, les joueurs jouent en même temps jusqu’à ce que plus personne ne puisse jouer. 


On retourne la première carte du deck et chaque joueur choisit de placer le polyomino indiqué sur son terrain. 

Le premier doit être accolé à la rivière, les suivants devront toucher un bâtiment déjà en place. 

L'une des premières règles est qu'aucun polyomino ne peut chevaucher la rivière (ce n’est pas Chenonceau chez vous), ni recouvrir la montagne ou la forêt. 

Le joueur peut aussi choisir de défausser le bâtiment de la carte contre 1 PV tant qu’il en possède, ou de passer définitivement sans perdre de point, mais sans possibilité de revenir dans la partie.


Une fois que tout le monde a passé ou placé tous ses bâtiments, la manche se termine, chaque joueur marque un point par arbre visible (hors forêt), et perd un point par rocher visible et case prairie non recouverte. 

Il y a des ajouts sur le décompte au fur et à mesure que la partie avance.


Le vainqueur de chaque manche coche 2 points sur son plateau, le 2e 1 point, et les suivants aucun. 


Chaque joueur récupère des gommettes, polyominos et autres surprises en fonction de son résultat, à coller définitivement sur son terrain modifiant les règles et la disposition de la zone de jeu, rendant les manches suivantes asymétriques. 


Puis on refait le deck, on enlève ses bâtiments pour repartir à zéro sur la partie suivante, avec un terrain différent de la partie précédente. 


Chaque partie complète se déroule sur 3 manches contenues dans une enveloppe qui donne un fil conducteur des 3 manches à venir. 

À la fin de la dernière manche de la dernière enveloppe, le joueur ayant le plus de croix est grand vainqueur, sa ville, nouveau fleuron de l’architecture ludique, fera l’objet du nouveau scénario de "Conquête De L’Ouest" de W9, les perdants auront une nouvelle ville fantôme à leur actif…


Une fois la partie legacy terminée, on peut à loisir retourner son plateau pour continuer à jouer sur un terrain préconstruit reprenant les règles des différentes enveloppes. 


Le plateau "éternel"


À 2 joueurs, il y a un vainqueur par manche qui fait ses 2 croix, pas de coche pour le deuxième qui récupère les bonus du perdant.


Les jeux legacy ont réellement pris leur essor avec Pandemic Legacy de Matt Leacock, suivis par d’autres, et continus à faire la part belle aux déclinaisons des différents succès (Clanck, Aeon's End...). 

En général, ce sont des jeux en campagne où l’investissement en temps et en finance est souvent non négligeable, de plus, il s’agit souvent de campagnes coopératives (j’ai bien dit souvent, Seafall est un parfait contre-exemple)

Du coup, forcément un jeu plutôt familial en campagnes courtes, sans une once de coopération, et abordable pour tous ne peut qu’attiser la curiosité.

Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’il a été nominé au Spiel de Jahres 2020.


Le matériel est de plutôt bonne qualité, même si les graphismes à l’allemande ne sont pas spécialement jolis, ce qui ne pose aucun problème, car on ne si arrête pas vraiment. 


Le mécanisme de placement des tuiles est facile à prendre en main et déjà vu, l’excellent Scarabya par exemple, toute l’originalité vient dans son côté legacy. 

Mais est-ce un legacy ou un jeu évolutif ? 

Pour Mme J, très "au premier sens du terme", c'est un legacy car les règles évoluent, le plateau évolue.

Pour moi, le fait de repartir à zéro à chaque manche casse un peu l’impression de legacy et me fait plus pencher sur le côté jeu évolutif. A mon avis, un vrai My City legacy partirait de la première ville construite qu'on optimiserait. Sauf que pour mettre tous les polyominos, il faudrait un immense plateau personnel... Pour moi, il a son genre bien à lui, il est unique. Et pour moi, il peut décevoir les joueurs qui s'attendent à du pure legacy.


Malgré ce point, ici, on aime.


Les parties sont tendues, agréables et addictives.

On place son bâtiment en espérant que le tirage des cartes colle avec nos espoirs pour la cité en devenir, ne pas placer la maison close près du commissariat par exemple (on me dit dans l’oreillette que les bâtiments n’ont pas de vocation autre que d’être des bâtiments colorés, heureusement que l’imagination prend le relais).

Savoir s’adapter aux aléas du bâtiment sera la clé, car honnêtement ce n'est jamais la bonne forme au bon moment, et la suite de l’aventure n’arrange rien, les règles de comptages de points, ou de pose se modifiant souvent… 

Le hasard et la capacité d’adaptation sont le cœur de ce jeu. 

Il faudra juste essayer de placer les récompenses au bon endroit, car toutes les gommettes collées sont définitives, ce qui peut d’ailleurs faire râler quand on prend connaissance des règles suivantes.

Si on veut être transparent, dans ce jeu, ça râle beaucoup, enfin chez nous, Mme J est toujours entrain de pester sur l'emplacement des rochers, le tirage... quand ça veut pas, hein...


Nous n’avons pas forcément eu beaucoup l’occasion de jouer à des campagnes legacy non coopératives, mais ici l’erreur n’est que difficilement pardonnable : la gommette mal placée peut transformer le bonus en plaie 2 manches plus tard, en augmentant l’écart des joueurs. 


De plus, l’enchaînement des défaites peut souvent être démoralisant et ne donne pas forcément envie de revenir poser une pierre dans cette prairie, et même si le perdant récupère un bonus un peu plus sympa que le vainqueur, enchaîner quelques défaites peut sembler insurmontable même si le retournement de situation peut se produire au fur et à mesure que les règles évoluent on a parfois du mal à y croire… Enfin surtout Mme J, qui se dit que finalement un hamac près de la rivière, une tente et le silence seraient suffisants.


Il sera aussi quasiment impossible de modifier le nombre de joueurs une fois la campagne lancée, réduire les joueurs ou les augmenter serait trop pénalisant pour tenter l’expérience. 


Il faudra bien choisir vos adversaires, par exemple les copains de Martinique feraient de très bons adversaires, mais on a intérêt à finir la campagne avant la fin des vacances.

Idem pour le plan d’un soir ludique, débuter une session de My City avec quelqu’un devient une preuve d’attachement et d’affection à long terme, peut être plus liant qu’un anneau ou un enfant, enfin je dis ça… 


👉Alors, à 2 c’est mieux ? 


Il y a un énorme avantage à jouer à 2, une fois la campagne terminée, on a tout le matériel pour en débuter une nouvelle et comme on sait ce qui nous attend, on ne recollera pas la gommette Philiberte à côté de l’eau pour perdre tous les jeux lors de l’inondation de l’enveloppe 6 (tout ceci n’existe pas ce n’est qu’élucubration de mon esprit dérangé).

Cela permet de refaire le monde en connaissant les tenants et les aboutissants tout en gardant le hasard de la pioche.

Cela en est presque plus agréable que la découverte du scénario, finalement. Un peu comme un bon Ready Player One, après le premier visionnage, les séances suivantes n’en sont que plus agréables, avec l’observation des détails. 

Les stratèges pourront ainsi anticiper leur placement de gommettes, plusieurs enveloppes à l’avance.


En revanche jouer à 2 donne encore plus l’impression d’un écart qui se creuse dès qu’il y a plusieurs défaites d'affilée, avec l’impossibilité de cocher les victoires donnant l’impression d’une défaite inéluctable. 

Il faudra moult forces de caractère et de courage pour se relever et me battre, Mme J mouahaha (en vrai, il existe des retournements de situations au fur et à mesure que la partie avance, mais il faut garder la motivation d’aller les découvrir, ce que les défaites successives peuvent émousser, heureusement que le plaisir ludique est là pour compenser une certaine frustration). 


À deux ou à plus, ce jeu est plaisant, prenant, et ici on a bien envie de découvrir l’extension à venir. 


Comme Charles et Caroline, êtes-vous prêts à couper du bois et faire des tartes aux pommes pour donner vie à votre Walnut Grove ludique personnel ? 

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