Teotihuacan : La Cité des Dieux : Rascar Capac nous voilà.
Un jeu de Daniele Tascini et David Turczi (que nous appellerons le gang des T), illustré par Odysseas Stamoglou, et édité par Pixie Games.
☝Instant Wikipedia :
Une éclipse solaire survient quand la lune se place entre la terre et le soleil occultant entièrement ou partiellement le soleil. Elle ne dure au maximum que 8 minutes et n’est visible que sur une petite portion de la terre.
Le calendrier de Saros est utilisé pour prédire les éclipses.
La première éclipse est historiquement celle décrite dans le livre de Josué, où Dieu arrête la course du soleil à la demande du coquin, ou Josué, en 1206 av. J.-C. que les « scientifiques » de siècles suivant utiliseront pour réfuter les théories héliocentriques de Copernic et Galilée.
Le 15 juin 793 av. J.-C., l’éclipse de Bur-Sagale est la première qui est fiablement décrite dans les textes assyriens.
Celle du 28 mai 585 av. J.-C. marquera la fin de la guerre entre les Mèdes et les Lydiens qui devinrent vite copains pour éviter une nouvelle colère des dieux. Après, cette histoire a été relatée par Hérodote qui est presque aussi fiable que les confessions d’un Balkany.
Plus récemment, celle du 22 janvier 1879 marque la victoire des Zoulous sur les Britanniques (les buveurs de thé se sont bien rattrapés derrière).
Théoriquement, la dernière éclipse solaire aura lieu dans 600 millions d’années, la lune s’éloignant de la terre d’environ 3,8 cm par an, mais celle-là, seul Michel Drucker la verra…
Installation : 20 minutes
Règles : 30 minutes
Temps de partie : 1 h 30
La saison des éclipses arrive, il va être temps de sacrifier 2, 3 mexicains en devenir, mais pour faire un sacrifice digne de ce nom, il faudrait avoir un lieu un peu plus cossu que la maison familiale.
Et puis, il va encore falloir expliquer à Mini J pourquoi il ne faut pas jouer avec les restes des sacrifiés, du coup après un conciliabule intense avec Mme J sur comment procéder pour faire ça de façon efficace, la solution nous est apparue aussi clairement que la Sainte Vierge à Marie Bernarde Soubirou dans les grottes de Lourdes (oui, oui Marie-Bernarde, c’est tout de suite un peu plus classe que Sainte Bernadette).
Et nous voilà donc partis pour bâtir la plus grande pyramide sacrificielle que le monde zapotèque ait connu, le temple du serpent à Teotihuacan.
Il ne nous reste plus qu’à l’avoir fini avant que la troisième éclipse ne pointe le bout de son ixquac (le couteau sacrificiel pour humain en silex traditionnel en Mésoamérique).
* Mme J tient à préciser que personne n'a été blessé pour la réalisation de cet article*
Mise en place :
Après avoir placé l’immense plateau de jeu au centre de la table (en même temps, il prend toute la table), vous placez aléatoirement les quartiers 2 à 7, les quartiers 1 et 8 étant fixes.
Placez l’ensemble des tuiles sur leurs emplacements, décorations sur la tuile 7, les tuiles pyramides sur la 8, les tuiles découvertes sur les différents quartiers et pistes de temples, etc.
Placez l’ensemble des ressources à côté du plateau ainsi que les tuiles améliorations restantes.
Chaque joueur :
- prend 2 cacaos + un certain nombre dépendant de l’ordre du tour.
- place 6 de ses jetons au début des différentes pistes (temples, pyramides, allée des morts, PV), et en garde 6
- prend 4 tuiles de départ et en garde 2, définissant les ressources de départ (en matière première ou tuile) et le lieu de placement de ses 3 dés (les dés symbolisent les ouvriers, ils ne sont jamais lancés, point de hasard dans le gang des T), le 4e étant placé sur la ronde d’élévation.
Il existe aussi une façon de débuter plus symétrique, mais nous la trouvons moins intéressante.
Puis les marqueurs soleil et lune sont placés sur leur piste, et c’est parti pour ériger au mieux la Pyramide, avant que le soleil ait rendez-vous avec la lune (ça faisait longtemps que je n’avais pas cité une chanson dont on ne se souvient que de 3 paroles).
La partie se déroule au tour par tour, le jeu se terminant lors de la troisième éclipse, le jeton soleil avance vers la lune à chaque fois que l’ensemble des joueurs a joué à son tour ou à chaque élévation, ou enfin si la grande Pyramide est entièrement construite.
Un tour de jeu consiste en 1 action parmi 4 :
– passer son tour pour libérer tous ses ouvriers en adoration. Cela peut aussi être fait sans passer son tour en payant 3 cacaos par ouvrier à libérer, dans ce cas, cela ne compte pas comme une action.
– déplacer un ouvrier de 1 à 3 cases pour le mettre en adoration (possible uniquement dans les quartiers 1, 2, 3, 4 et 7) : pour se faire, placez le dé sur l’emplacement d’adoration à droite de la tuile.
Si elle est occupée, libérez l’ouvrier en payant un cacao au propriétaire du dé (le cacao est la monnaie de base du jeu), puis augmentez de 1 sur le temple associé et payez un cacao pour récupérer la tuile découverte associée (facultatif).
Le temple vert donne du cacao, le rouge des PV et le bleu des ressources.
Monter sur le temple peut donner des tuiles d’amélioration, et une tuile de décompte unique pour le premier arrivé sur l’avant-dernière case.
– Déplacer son ouvrier de 1 à 3 cases pour récupérer un cacao de plus que le nombre de dés de couleurs différentes sur la case d’arrivée.
– Et enfin, faire l’action de la tuile d’arrivée, dans ce cas là, il convient de payer un cacao par dés de couleurs différentes sur la tuile d’arrivée (même si le dé nous appartient, pas de jaloux).
Le quartier 1 permet de mettre son dé en adoration dans une des 3 zones pour avoir un pouvoir jusqu’à l’éclipse, sauf si on le libère avant.
Les quartiers 2, 3, 4 permettent de récupérer respectivement du bois, de la pierre ou de l’or et fonction de la valeur et du nombre de nos des ouvriers présents sur la tuile au moment de l’arrivée du dé de l’action en cours.
Le quartier 5 permet de payer de 1 à 2 ors pour acquérir un nouveau pouvoir unique en y posant un de nos jetons et de monter sur la piste du temple associé. Si un adversaire est déjà bénéficiaire du pouvoir que vous briguez, alors il gagne 3 PV.
Le quartier 6 permet de construire une maison de la piste des bâtiments contre 2 bois donnant des PV et l’avancée d’une case sur la piste des morts (si on devait sacrifier tous les maçons s’ils étaient en retard, il n’y aurait plus un Portugais sur terre, ce sera le cliché de l’article, merci et bonne lecture).
Le quartier 7 permet de décorer la Pyramide : contre 3 ors, placez une décoration sur un des 4 emplacements de la base au départ puis dans la même ligne.
Cela rapporte 3 points + 1 par symbole identique recouvert, et si par la même occasion le symbole qui est recouvert est coloré, alors on monte d’un cran sur le temple de la même couleur.
Puis on avance sur la piste de Pyramide.
Le quartier 8 permet de construire une partie de la Pyramide en dépensant pierres et bois en fonction de l’étage. Cela rapporte des points et permet de monter sur le temple dans le même principe que les décorations, ainsi qu’une montée sur la piste de pyramide.
Chaque action sera plus ou moins forte, en fonction du nombre et de la valeur des dés sur le quartier au moment de la réalisation de l’acte.
Chaque action sur un quartier d’un ouvrier, à peu de chose près, le fera évoluer.
Pour cela, on tourne l’ouvrier sur la valeur supérieure (prise d’expérience et promotion, c’est beau), arriver au niveau 6, il meurt (pas de retraite, pas de frais pour la société, ils étaient fort ses otomis, sans la CGT), on procède alors à son élévation.
Pour cela :
- on avance le marqueur soleil,
- on monte sur la piste des morts,
- on replace son ouvrier sur le quartier numéro 1 sur la face 1 (c’est le stagiaire newbie qu’on exploite sans le payer),
- on récupère au choix 5 cacaos / 2 cacaos et un 4e dé / 4 points de victoire /ascension sur un des temples / ascension sur 2 temples en payant 3 cacaos.
Lors de chaque éclipse, on procède à un décompte.
– On multiplie la dernière valeur visible de la piste bâtiment par son emplacement sur la piste des morts
– Le plus avancé sur la piste de la Pyramide prend 4 points, puis chaque joueur récupère un nombre de points dépendant du nombre d’éclipses déjà survenues et de son avancée sur la piste de la Pyramide. Tout le monde remet son jeton sur le 0 de la piste de la Pyramide.
– Les joueurs marquent des points en fonction du nombre de masques différents qu’ils possèdent.
– Chaque joueur libère ses dès en adoration et paye 1 cacao par dès, et 2 s’ils leurs valeurs est de 4 ou 5, l'expérience se paye que voulez-vous, d'où l’intérêt de les tuer avant la retraite…, tout ouvrier non nourri sera en droit de demander un dommage et intérêt de 3 PV, les prud’hommes en Mésoamérique ne plaisantent pas…
Lors de la troisième éclipse, on rajoute :
- le décompte des temples pour le premier joueur à avoir atteint le sommet d’un des temples, s’ils sont atteints…
- dans le cas où la Pyramide serait entièrement construite avant la 3e éclipse, alors le soleil est tellement abasourdi par des travaux finissant à l’heure qu’il se jette sur la lune déclenchant immédiatement la dernière éclipse.
Le vainqueur sera le futur grand prêtre de la cité et pourra sacrifier les perdants en l’honneur du grand Quetzalcóatl pour demander à Mini J de nous laisser dormir…
À 2 joueurs :
– On diminue le nombre de tuiles améliorations sur les différentes pistes.
– On rajoute 6 dès de 2 couleurs différentes faisant office d’ouvriers neutres, Zapotèques et Mayas par exemple, qui changeront d’emplacements uniquement pendant les éclipses, à auteur d’un dé par quartier choisi par les tuiles de départ que l’on tirera à chaque éclipse pour les déplacer.
Niveau matériel, c’est foisonnant, c’est beau, ça donne d’ailleurs l’impression que l’on ne s’en sortira pas et il y aura intérêt à avoir une bonne organisation de ziplocks pour ne pas passer 40 minutes remettre en place une partie…
Les tuiles sont épaisses, de belle qualité, et que dire des parcelles de pyramide qui sont juste un bonheur.
Les règles peuvent paraître longues et fastidieuses, mais elles coulent toutes seules comme un teq paf en soirée étudiante, à l’ouverture ça pique un peu et dès la 2e page/shot, ça coule tout seul et on en redemande.
Premier jeu découvert par nos soins du gang des T, et pas besoin de boule de cristal pour savoir qu’il a déclenché chez Mme J une passion pour la victoire et la domination de l’Amérique latine, pardon, pour voir qu’il est dans les chouchous de la ludothèque.
On retrouve un pur jeu de placement d’ouvriers, où toutes les actions s’imbriquent parfaitement.
Il faudra faire des choix draconiens, car rien n’est facile.
Récupérer beaucoup d’or sur le quartier numéro 4 pour avancer la déco de la pyramide (c’est mon côté fan d’home-staging) et monter sur la piste éponyme, mais le coût en cacao risque d’être fatal à mes ouvriers, l’éclipse approchant grandement…
Du coup je vais prendre du cacao, arf, mais alors mon ouvrier ne s’élève pas et ne me permettra pas de monter sur 2 pistes de temples.
Bon bah finalement je vais aller construire une maison pour avancer sur la piste des morts avant que… Et merde l’adversaire est en adoration devant l’autre tanche de Tkaloc, le dieu orage et voilà qu’il prend le 5e masque qu’il manquait à ma collection… Par Chalchiutlicue, je vais me le faire…
Comme vous aurez pu le constater, chaque choix porte à conséquence et une erreur, bien que non rédhibitoire, risque d’être difficile à contre-balancer si les adversaires ne démordent pas de leur ligne de jeu.
L’interaction est forte, entre les tuiles volées, les zones bloquées par le nombre d’ouvriers obligeant à choisir entre payer le prix fort pour faire l’action ou faire autre chose, mais en même temps c’est à double tranchant, car beaucoup d’adversaires dans un même lieu peuvent faire un fort apport en cacao salvateur quand l’éclipse approche…
La rejouabilité est bien présente de par les stratégies multiples pour arriver à la victoire, mais aussi par le côté aléatoire du placement des quartiers qui facilitera telle ou telle action.
En effet, si la récupération d’or est juste après les décorations, on privilégiera d’autres actions en début de partie le temps de faire son stock, etc.
👉 Alors, à 2 c’est mieux ?
L’ajout des trublions neutres sur les différents quartiers permet d’avoir une vraie gêne pour faire l’action de chaque quartier, puisqu'elles auront pour la plupart un dé neutre qui vous attendra les bras ouverts, mais aussi de rendre l’action "récupérer des cacaos" viable.
Même si on est sur de l’aléatoire pour leur placement (seule donnée non contrôlable du jeu) et qu’il y a du coup moins la stratégie de blocage version "je vais plutôt prendre le dé du secteur 5 pour laisser mon dé en 8 et obliger l’adversaire à payer plus cher sa construction de pyramides", les dès ne bougeant que pendant les éclipses, les stratégies sont légèrement plus facilement anticipables que des adversaires de chaire et de sang.
Même si à 2 joueurs le nombre de perdants sacrifiés sur l’hôtel du Quetzalcóatl est moindre, ce qui explique peut-être pourquoi j’étais encore avec Mini J à 4 heures la nuit de la rédaction de cet article à cause du changement d’heure), le jeu est parfaitement adapté à cette configuration, et même préférable si vous ne voulez pas que les parties s’éternisent.
Un jeu expert, mais en même temps très accessible, pour des parties relativement courtes pour cette gamme de jeu, et des stratégies nouvelles à chaque partie, en font chez nous un incontournable.
Enfin, comme je n’arrive pas à gagner une partie, je vais peut être le contourner au grand déplaisir de Mme J.
Et le jour où, dans un éclair éblouissant, Rascar Capac aura déchaîné sur lui-même le feu purificateur et sera retourné à son élément primitif, ce jour-là sonnera pour les impies l’heure du châtiment, alors soyez prudents pendant la partie, et priez au temple si vous voulez échapper au châtiment du brave Rascar…
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