Instant de la loose, épisode 1 : quand la partie devient une gageure. Arboréa, Behind, Medical Mysteries
Deux fois par an, nous essaierons de publier un article un peu spécial parlant de nos échecs ludiques : ces jeux que nous attendions beaucoup et qui se sont révélés être un flop pour notre duo de joueurs invétérés. Un peu comme l’annonce de l’épisode II de Star Wars : on attendait du grandiose, et on a vu une poire voler et Anakin se rouler dans l’herbe avec la princesse… Encore une fois, ce qui ne nous plaît pas peut plaire à d’autres, et le débat reste ouvert.
☝Instant Wikipédia :
Puisqu’on va parler d’échec ludique, l’instant Wikipédia va se consacrer à l’une des plus grandes erreurs de l’histoire : la porte laissée ouverte ayant entraîné la chute de l’Empire byzantin.
Constantinople était l’une des villes les plus influentes du monde connu jusqu’à sa chute, le 29 mai 1453. Bien que son pouvoir fût en déclin, le jeune Mehmed II, 19 ans et 7ᵉ sultan de l’Empire ottoman, se mit en tête de la faire tomber pour en prendre le contrôle.
Quand on voit que l’objectif des jeunes d’aujourd’hui est de se pulper les lèvres avec un verre Duralex après avoir regardé leur âge au fond, on se dit que l’ambition a quelque peu perdu en superbe.
Le siège débuta le 6 avril 1453. Il s’annonçait long et fastidieux, même si, d’un point de vue technique, les 7 000 à 8 000 défenseurs auraient eu bien du mal à résister aux 80 000 à 100 000 assaillants — et ce, même en regardant vers l’est à l’aube du cinquième jour — car l’Europe, pourtant appelée à l’aide par Constantin XI, s’en battit littéralement l’œil… comme quoi certaines choses sont immuables dans l’histoire.
Bien que la lutte tournât très sérieusement à l’avantage des Turcs, un événement très controversé aurait précipité l’entrée de ces derniers dans la cité, accélérant sa chute.
La Kerkoporta, une petite poterne située à la jonction des murailles de Théodose et du rempart de Blachernes, défendue par l’armée du frère Bocchiardi, aurait été laissée ouverte.
Cette porte, utilisée pour lancer des attaques nocturnes, n’aurait pas été refermée lors d’une attaque surprise. Cette ouverture aurait permis à l’assaillant de pénétrer dans la cité et d’en prendre le contrôle.
Et bien que cet événement historique n’ait été rapporté que par une seule personne, un certain Doukas (peut-être le premier influenceur complotiste de l’histoire), il fut conservé comme une anecdote ayant bouleversé le cours des choses. Même si, en réalité, rien n’est sûr, et que la ville était sans doute déjà perdue au moment des faits.
😖Numéro 1 : Arborea : aussi long que beau.
Un jeu de Dani Garcia, illustré par Nicolas Gendron et Javier González Cava et édité par Pixie Games.
Mise en place : 20 minutes
Règles : 30 minutes
Temps de partie : 1 heure
Âge : 14 ans
Type de jeu : pose d’ouvrier, programmation
Thème : créatures fantastiques japonisantes, création de paysage.
On contrôle un groupe de personnages fantasmagoriques essayant de recréer un territoire pour les yôkai du coin, chassés de leur terre par une apocalypse quelconque.
On joue au tour par tour, en plaçant nos petits bonshommes le long des routes, et de leurs pèlerinages viendra la solution.
📢 À son tour, on place un pèlerin disponible sur une route, ou on fait avancer la route d’un de ses pèlerins. Pour 2 points de destin, on peut réitérer l’action ou effectuer l’autre.
Une fois cela fait, on peut faire quitter la route à un ou deux pèlerins et les envoyer sur le chemin jusqu’à ce qu’ils retournent au village, ramenant tout ce qu’ils trouvent sur leur passage.
On peut faire avancer les bonshommes pour qu’ils aboutissent à la fin de leur pèlerinage, récupérer de nouvelles cartes à construire (dans la limite de trois), envoyer des créatures dans les terres sauvages ou recevoir la visite de celles-ci, faire un cadeau à un sage ou recevoir un bonus de ce dernier, et surtout gagner des biomes.
Une fois les pèlerins rentrés, le temps qu’ils aient un massage à l’arnica 9 CH (il faut au moins ça), les adultes sont immédiatement disponibles, tandis que les jeunes et les anciens retournent faire la sieste, le temps qu’un futur pèlerinage les remette sur le devant de la scène.
Pendant ce temps, on peut construire une de nos cartes en défaussant les biomes gagnés lors de notre tour ou de celui d’un autre joueur.
Pour finir, on récupère des points pour les biomes acquis à ce tour mais non dépensés, et donc laissés à disposition des adversaires. On peut aussi placer les créatures venues nous rejoindre dans notre territoire sans qu’elles soient forcément adjacentes (on peut être pacifique et aimer la solitude…). Toutes les zones de pèlerinage contenant un de nos meeples avancent d’une case (deux si c’est un meeple ancien).
Puis c’est au suivant de jouer.
À chaque fois qu’une créature rejoint les terres sauvages, le soleil avance sur sa piste.
🏁 Arrivé en bout de course, point de supernova : juste une fin de partie.
On ajoute à ses points ceux des créatures (spécifiques à chaque espèce), ceux de son marqueur de destin et ceux de chaque saison, selon un savant calcul pas très explicite, mais qui ne doit pas dépasser 48 par saison (quitte à faire un calcul chelou, autant que ça se finisse sur 42 : tous les geeks auront un sourire en coin).
🏆 Le vainqueur est celui qui aura le plus de points de régénération (c’est comme les points de victoire, mais en plus écolo). Il pourra alors vivre d’amour et d’eau fraîche entre un caudachat et un sagibou, pendant que 💀 les perdants essaieront en vain de déloger les nids de fourmaraignes de la chambre de l’héritier, lequel enchaîne cauchemars et terreurs nocturnes… Eh oui, il fallait bien reloger décemment les créatures émigrées.
👥 À deux joueurs, on remplace un meeple jeune de départ par un ancien.
👀
Niveau matériel, tout est de très bonne qualité et, personnellement, on trouve ça magnifique.
Après, l’ambiance folklorique japonaise a toujours été mon péché mignon ; Miyazaki, on te remercie pour tous ces rêves.
Malgré tout, l’immense plateau, très fourni en détails et très inspiré de Bitoku, est vite peu lisible, et encore moins facilement compréhensible que son aîné, ce qui n’était pourtant pas gagné.
Pour les règles, on arrive au premier point noir : leur agencement est très mal pensé, rendant les actions douteuses. On apprend comment adopter une créature avant de savoir comment lui donner la possibilité d’être adoptée ; c’est un peu comme faire des cours de préparation à l’accouchement sans savoir comment on fait les bébés… et à quoi sert cette bouteille de lait, au fait ?
On se retrouve donc à faire des choix rapides et importants pour programmer la suite : je place mon pèlerin là, comme ça, dans trois tours, je peux acquérir des biomes champignons. Puis, est-ce que je les dépense tout de suite pour construire ma carte, ou est-ce que j’attends pour prendre les points de récupération et les laisser à disposition des autres ? En même temps, ils n’ont pas l’air d’avoir de cartes en nécessitant, donc va pour les points. Tiens, le suivant se lance dans l’acquisition de nouvelles cartes : j’espère que les champignons ne disparaîtront pas, sinon il va encore me falloir trois tours avant de pouvoir construire ma carte…
Et là, on touche le cœur du problème de ce jeu : son côté poussif et le temps d’attente entre deux tours. Déjà, le temps que son tour revienne, surtout à quatre joueurs, on a clairement le temps d’aller faire un pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle pour s’occuper, et prier pour que le temps s’accélère. Et puis son tour revient et… ben, je pose un pèlerin, je dépense du destin pour en poser un deuxième et voilà, c’est fini. Maintenant, j’ai plus qu’à espérer que mes adversaires aient la même envie d’algue tandoori que moi, sinon mon pèlerin risque de mourir d’ennui sur la route toute la sainte journée en chantant De Palmas… Et c’est reparti pour une attente longue et fastidieuse, jusqu’à ce qu’enfin j’aie mes algues ! Heureusement, les autres m’ont laissé un biome arbre et deux biomes jonquilles pour enfin construire un truc et espérer accueillir une bestiole chelou dans mon jardin .
Au final, le jeu souffre déjà de sa comparaison avec Bitoku, dont la simplicité et l’épure ne sont pas les premières qualités. Mais là, en augmentant ces deux paramètres, on arrive à un jeu qui a plus suscité l’ennui que l’envie d’y revenir, le tout dans un bel enrobage. C’est un peu comme servir un friand au fromage du self du lycée avec ses petits pois bouillis dans une magnifique boîte à bento en nacre : ça donne envie… mais non.
Par ailleurs, la thématique tombe vite à l’eau : zut, mon terrain est ravagé, vite, je pars faire douze ans de pèlerinage pour ramener deux tournesols et un godet d’eau afin d’accueillir une grenouille. Vous l’avez, l’écolo en vanlife, qui a utilisé autant de gazole qu’il en faut pour faire décoller deux F-16, tout ça pour fumer un bédo à Katmandou — mais il fait ses besoins dans des toilettes sèches, parce qu’il faut faire attention à la nature… raclure de bidet va… pardon, je digresse — graisse.
👉Alors, à deux, c’est mieux ?
Eh bien non ! On aurait tendance à dire pire : à deux, tout est encore plus long. Le pèlerinage n’avance pas, les biomes ne s’acquièrent pas ; en conclusion, on va passer des tours entiers juste à faire avancer son pèlerin, pour finalement récupérer deux champis violets… champis dont on risque de ne même pas voir la couleur s’ils intéressent aussi l’adversaire.
L’idée des cadeaux aux sages n’est intéressante que sur le papier, car trop aléatoire pour être utilisée en stratégie pure ; ce sera au mieux un cadeau booster s’il tombe au moment opportun, et au pire, rien.
Et puis cette manie de devoir attendre quatre tours avant de pouvoir récupérer un jeune et un ancien, qui seront fatigués après douze minutes de rando — et ça juste pour atteindre le Décathlon du coin avant le vrai pèlerinage…
À trois ou quatre joueurs, même si le temps entre les tours est interminable, au moins les pèlerins avancent sur le chemin et les biomes se garnissent, laissant la possibilité de faire un ou deux trucs pendant son tour.
Pour conclure, un jeu qui avait tout pour nous plaire, mais qui nous a surtout déçus et ennuyés. Nous ne dirons pas qu’il est nul, juste qu’il ne nous correspond pas et nous semble aussi captivant qu’un instant Wikipédia sur le premier pèlerinage à Lourdes. D’ailleurs, puisqu’on en parle, c’est en…
😒Numéro 2 Behind : un puzzle et c’est tout…
Un jeu de Cedric Millet, illustré par Martin Vidberg, Maud Chalmel et Piero, édités par KYF édition.
Mise en place : 1 minute
Règles : 2 minutes
Temps de partie : 1 heure
Âge : 8 ans
Type de jeu : puzzle, énigme, coopération
Thème : polar, voyage dans le temps, Égypte antique
📢Une fois toutes les tuiles d’un des trois compartiments étalées entre les joueurs et les cartes indices mises de côté, on se lance dans la conception du puzzle sans avoir l’image finale, le but étant de réussir parfaitement sa confection en s’aidant des six indices (il est d’ailleurs bien précisé que les indices ne sont pas optionnels et doivent être consultés : du coup, est-ce vraiment des indices ou plutôt des indications ?).
🏁Une fois qu’on pense la reconstruction parfaite, on retourne toutes les tuiles pour voir si l’on a réussi son puzzle, 🏆ce qui indiquerait une victoire inespérée ; la moindre erreur signifie 💀 l’échec de l’activité et un redoublement probable de la Grande Section de maternelle.
👀
Niveau matériel, on est sur des tuiles carrées de petite taille, donc pas forcément évidentes à manipuler selon les capacités des joueurs. Les illustrations diffèrent pour les trois puzzles, mais les artistes, chacun dans leur style, ont réussi une belle prestation, permettant une modification du gameplay à chaque partie, plutôt bien vu. Les règles sont courtes et bien écrites, rien à redire là-dessus.
Loin d’être céphaloclastophile, les puzzles ont toujours entraîné chez moi une action contractile accélérée de mon gros côlon. Mais vendu comme une mécanique révolutionnaire, un puzzle revisité version Top Chef ludique (je m’attendais presque à une quiche lorraine en ouvrant la boîte), et devant cette avalanche de louanges, nous nous lançâmes dans l’aventure presque sans appréhension, tout en gardant à l’esprit la déception des puzzles Exit.
Eh bien non, clairement : c’est un puzzle… et un puzzle en pire ! Au début, on assemble les pièces dont les bouts d’images correspondent pour démarrer, puis assez vite on prend les indices pour s’orienter quand une pièce n’a rien à voir avec les adjacentes, voire avec la choucroute, et ce jusqu’à six indices pour arriver au but.
Alors ça, c’est bien beau, mais les indices sont pour beaucoup presque aussi utiles qu’une prise Péritel pour brancher sa PS5, et pour certains aussi compréhensibles qu’une conférence sur la constitution du liquide de Tomonaga-Luttinger par Gérard D., qui comprendra à la fin du discours seulement que tout liquide n’est pas bon à boire.
Conclusion : on galère. Et si on ne pine pas l’indice, eh bien il n’y a plus qu’à miser sur la chance, sinon, comme le disait si bien Charly dans le Hit Machine : « Dans le c*l Lulu ». Et oui, une référence so XXᵉ siècle, mais il est bon de ne pas oublier ses classiques.
De plus, la règle nous indique de bien lire l’introduction avant de nous lancer dans le jeu pour ne pas passer à côté de rien : on s’attend à une mise en situation, à un indice de départ pour se lancer… Que nenni, mon brave ! C’est vaguement une phrase pour donner un titre au bousin, parce qu’on se sent obligé de thématiser.
Au final, un puzzle, mais plus laborieux encore ; et même s’ils sont très bien illustrés, la difficulté et l’impression d’être aidé par un cul-de-jatte lors d’un 100 mètres haies, avec des indices peu pertinents, auront fait de ce jeu un pur flop sur les trois énigmes de la boîte, où l’intérêt ludique ne nous a même pas effleurés.
👉Alors, à deux, c’est mieux ?
Un puzzle, ça se fait tout seul, non ? Alors à cinq ans, on aide un peu le chérubin ; après, on peut faire des puzzles collaboratifs pour les amateurs… ou pour les maisons de retraite. J’exagère, je sais, mais là, on communique un peu : « J’ai une pièce qui ira peut-être sur la tienne, non ? » — « Je ne sais pas, le trait de la mienne va vers la gauche et la tienne vers la droite. » — « Oui, c’est ce que je dis : la finalité fait une ligne. » — « Ah, oui… »
Le jeu se dit mieux à deux ; j’ai presque plus l’impression d’un solo que d’un duo, mais soit…
Quoi qu’il arrive, il y a peu de chance que la boîte violette franchisse à nouveau la porte. Après, on ne sait jamais : Jimmy Carter vendait bien des cacahuètes avant d’être 39ᵉ président des États-Unis…
Comme quoi, comme au poker, certains y voient un As d’or ; pour d’autres, l’As n’est qu’un 1 avec plus d’enrobage.
💔Médical Mysterie : New York : un ECN dont certains QCM ont été fournis par la fan-base de Doctissimo...
Un jeu de Nicholas Cravotta et Rebecca Bleau, illustré par Henno Drop et édité par Iello.
Mise en place : 2 minutes
Règles : 2 minutes
Temps de partie : je dirais 45 minutes, mais on n’a jamais dépassé la demi-heure de jeu
Âge : 8 ans
Type de jeu : enquête, déduction
Thème : médecine
La garde aux urgences a commencé de façon habituelle : de 20 h à minuit, on est dans les classiques : points de suture sur la main de Jean-Loïc, qui s’est raté en ouvrant les huîtres ; Kyllian, qui s’est fracturé le scaphoïde en tapant sur un mur — et surprise, le mur a gagné ; suivis de deux états d’ébriété sur la voie publique, de Gunther, qui s’est assis nu sur un cône de signalisation, et de Micheline, qui a mal au dos depuis deux mois, mais pour qui « les urgences, c’est moins cher ».
Et voilà enfin un cas qui sort de l’ordinaire : un mec malade pour de vrai. C’est devenu aussi rare qu’un politicien honnête, cette histoire. À vous de le soigner.
🔧 Mise en place
On ouvre l’enveloppe de règles pour placer les cinq livrets Connaissances et le Codex, puis on ouvre l’enveloppe du malade. L’épilogue est mis de côté, les cartes en tas face cachée. On lit attentivement l’introduction et la fiche d’admission du patient, et vous voilà prêts à sauver une vie — à peu près.
📢Une fois tout en place, un joueur lit l’introduction expliquant pourquoi le patient est là plutôt que dans son lit. Il prend ensuite la fiche d’admission, avec l’anamnèse de ses antécédents et habitudes de vie, ses constantes et un examen clinique plutôt bien fait. Puis vous prenez un recueil de questions potentielles et une carte indiquant son état à l’instant T, ainsi que les possibilités permettant de trouver le diagnostic et, surtout, de le soigner.
Après ça, les joueurs se lancent dans un conciliabule — dans l’idéal court (c’est les urgences, pas un staff d’hémato) —, puis vont faire une action : lui poser une question (« Avez-vous mangé quelque chose de différent ces derniers jours ? »), réaliser des examens complémentaires (bilan sanguin, urinaire, imagerie, ponction lombaire, biopsie, administration de médicaments, etc.), appeler un spécialiste (psy, gynéco, neuro, etc.).
Chaque action nous donne un triptyque de lettres : ce dernier nous renvoie à un paragraphe du Codex, qui nous donne des informations sur l’état du patient, le fait évoluer vers la guérison ou vers la mort, etc.
Les termes non compris ou le fonctionnement des médicaments sont expliqués dans les livrets Connaissances, plutôt clairs et faciles à comprendre.
Toutes les trois actions, le chronomètre avance, faisant évoluer l’état général du patient — pour le meilleur ou pour le pire.
🏁À un moment, soit vous aurez tué votre patient 💀 et invoquerez l’aléa thérapeutique pour éviter la prison, soit il aura passé la nuit 🏆 : bravo, vous allez peut-être finir médecin !
Il vous reste à noter dans le dossier les diagnostics et traitements administrés, ainsi qu’à lui prodiguer nombre de conseils pour ne pas le revoir (car oui, le but de tout médecin, c’est de voir ses patients le moins souvent possible — ça veut dire qu’ils sont en bonne santé, si vous aviez un doute).
Après tout ça, vous pourrez calculer votre score et déterminer si vous êtes plus proche de l’externe — cinq ans d’études pour une maîtrise de la photocopieuse comme personne — ou du PU-PH respecté de tous… sauf des malades, bien entendu.
Le tout dépendra des soins apportés, de la survie du patient et des conseils donnés.
👥Pas de modification à deux joueurs.
👀
Le matériel est simple, mais plutôt bien fait, et les illustrations réussies. Rien à redire de ce côté-là. Les règles sont claires.
La rejouabilité est nulle : contrairement aux vrais patients, une fois soignés, ils ne reviennent pas.
Ce qui est « rigolo » dans la médecine, c’est tout le travail d’enquête pour soigner le patient. Quel que soit le J, quand on a un malade devant soi, on enquête pour qu’il reparte — si possible — avec les bonnes réponses à ses questions et le bon traitement (qui ne sera que rarement de la chloroquine, au désespoir du Dr R.), ou une orientation vers un confrère plus à même de l’aider.
Forcément, un jeu d’enquête dans le domaine médical, nous ne pouvions pas faire l’impasse.
Les débuts sont prometteurs pourtant : un ensemble plutôt clair et crédible, et surtout des auteurs qui ne cherchent pas à tirer dans les coins sombres pour nous sortir un diagnostic improbable.
La première chose qu’on nous apprend en médecine, c’est que oui, la lymphangioléiomyomatose n’est pas impossible, mais qu’il y a plus de chances que le patient ait une pneumopathie simple — et le fait de ne pas se la raconter version Dr House est plaisant.
Mais très vite, de grosses incohérences apparaissent : symptômes qui ne collent pas avec le diagnostic final, erreurs de posologie, incohérences de traitement.
De plus, les traitements n’existent pas tous en France, et un simple travail de relecture aurait permis de les rendre plus crédibles (la Vicodin® si chère au Dr House n’est autre que du paracétamol codéiné, à peu de chose près).
Et le comble revient à la dernière enquête, où, en prime, on perd des points si l’on ne connaît pas la loi new-yorkaise.
Nul n’est censé ignorer la loi, OK, mais de son pays ! Sinon, j’aurais probablement déjà été fusillé cinq fois pour réalisation d’IVG…
J’avoue : quand je fais un jeu d’enquête, j’attends qu’il soit suffisamment documenté.
Alors oui, comme on nous l’a si aimablement fait remarquer, nous ne sommes peut-être pas la cible, mais cela n’enlève rien aux nombreuses approximations — et non simplifications —, ainsi qu’aux raccourcis, qui auraient pu être audibles pour rendre le jeu accessible aux néophytes.
Là, il s’agit bel et bien d’erreurs. Et le problème, c’est que beaucoup de gens ont tendance à prendre ce qu’ils lisent ou entendent en médecine pour argent comptant : une étude biaisée faisant un lien entre vaccin et autisme a créé des milliers d’antivax ; la lecture de Doctissimo ou de TikTok entraîne des centaines de consultations abusives chaque jour — ou, au contraire, de graves retards de prise en charge.
Alors non, on ne demande pas une revue de littérature pour chaque enquête, mais un minimum de travail de fond pour enlever les incohérences majeures. Histoire de ne pas annoncer à votre sœur qu’elle a un cancer de la prostate et que votre oncle a probablement un glaucome du genou.
Autre point : ce jeu oublie la vocation des urgences, qui est de traiter l’urgence avant d’envoyer vers un service de médecine pour le diagnostic et le traitement final.
Et en revanche, une biopsie ou un ECBU obtenu en une heure… voilà le rêve de tout médecin.
Tout ça pour dire que l’idée et les mécaniques sont top, mais que les approximations et autres erreurs — qui passeront inaperçues pour les néophytes du genre — gâchent franchement l’expérience pour les autres.
Sauf peut-être pour ceux qui ont appris la médecine avec Grey’s Anatomy…
👉 Alors, à deux, c’est mieux ?
Oui, dans un sens. Trop de médecins sur un même cas risque surtout d’entraîner un concours d’ego.
À deux, on communique plus facilement, et la fluidité du jeu n’en est que meilleure.
Un jeu qui aurait pu être très bon, mais le manque de recherches et d’approfondissement ne nous enverra probablement pas vers la boîte Miami, qui devrait arriver sous peu.
Docteur, Madame Duchmol a très mal au ventre, vite…
— Elle a des seins ?
— Euh… oui, mais quel rapport ?
— C’est une femme, son problème est forcément gynécologique. Cela ne me concerne pas.
— Ah… bienvenue dans la médecine française de 2025 ! Même si avoir des seins ne fait pas nécessairement de vous une femme, a priori…







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