Tales of Kunugi : mon beau sapin, roi de la ludothèque
Un jeu de Charles Muller, Floriane Fruchart, Valentin Thomas et Nils Koenig, illustré par Méïzou, et édité par Frenchy Kuma.
☝Instant Wikipédia :
À l’approche de Noël, qu’on soit team aiguille véritable ou team synthétique, toute personne fêtant Noël va passer son premier week-end de décembre (oui, même si le premier téléfilm de Noël arrive en novembre et que le catalogue JouéClub sort fin octobre, l’intégrité de notre salon est préservée jusqu’au 1er décembre).
Alors, déjà, pourquoi un sapin ? Saint Boniface, vers l’an 700, voulut montrer à des druides germains que le chêne n’était point un arbre sacré. Il en fit donc abattre un (un Donald T. avant l’heure : “regarder cet arbre est normal, du coup je le tue”), et, en tombant, il écrasa tout sauf un sapin.
Plutôt que de conclure à un simple hasard, il y vit un miracle : le sapin est l’arbre de Jésus, et paf, on a des aiguilles dans le salon tous les hivers. Merci, Boni.
C’est au XIᵉ siècle qu’on commence à le décorer avec des pommes rouges pour rappeler l’arbre du paradis (de la pomme à la boule, il n’y a qu’un pas). De là, la tradition arrive en Alsace au XIIᵉ siècle, et il faudra attendre 1521 pour la nomination du sapin à pommes en arbre de Noël officiel (les chênes doivent faire un peu la gu*ule : ils passent de glands sacrés à que dalle, tout ça pour être remplacés par un sapin Hermann qui n’a rien demandé. Enfin bon, soyons positifs : l’arbre druidique aurait pu éviter un acacia en chutant, et, par la suite, tous les gosses auraient eu les yeux crevés en s’approchant des cadeaux).
En 1560, les protestants généralisent la tradition du sapin de Noël. Dans ton auréole, saint Boniface.
En 1738, la femme de Louis XV installa un sapin de Noël à Versailles, développant et pérennisant la tradition, et en 1837, la duchesse d’Orléans décora fastueusement le sapin des Tuileries, tradition qui se généralisa après la guerre avec l’émigration alsacienne vers 1870.
Comme quoi, un hasard devenu miracle et une guerre franco-prussienne, mille ans plus tard, ont suffi pour modifier le paysage urbain du mois de décembre pour des siècles et des siècles, amen…
Mise en place : 5 minutes
Règles : 5 minutes
Temps de partie : 25 minutes
Âge : 8 ans
Type de jeu : adresse, construction 3D, organisation, coopération
Thème : nature et décoration
Noël approche, il est temps de faire comme tout le monde et de décorer un arbre pour que le gros barbu vienne déposer l’ensemble du stock de mon ludicaire préféré à son pied.
Mais pour cela, il va falloir que notre arbre soit le plus beau du pays : en conséquence, on devra allier adresse et sens du style.
Pour la décoration, on va laisser Mme J œuvrer, et la voilà transformée en Christina Cordula version sapin : « ce lampion est magnifaïïïke et s’accorde à ta verdure à merveille ! » Et n’oubliez pas : il faut arrêter de décorer un sapin avec des guirlandes de sa couleur, c’est tellement pas moderne.
Pour l’adresse, on va s’adresser à… une autre famille… À quoi je sers dans l’histoire, du coup ?
À rien, M. J : toi, tu achètes le jeu et tu fournis les boules… Classe.
🎲Mise en place
Une fois le tronc de l’arbre monté au centre de la table, avec son torii aide de jeu et sa lanterne décorative, on place les décorations (triées de préférence par types et tailles), ainsi que les branches par ordre de taille.
Le stock de donguris est placé à proximité.
On place les jetons ronds « Pioche de rameau » et les carrés « Pioche de décorations » face cachée à proximité.
Pour finir, chaque joueur prend des Feuilles Objectif et on en place également face visible, le tout dépendant du nombre de joueurs.
📢 Et vous voilà prêts à décorer l’arbre avec talent, sans tremblements ni stupeur.
🔁 La partie se déroule en cinq années, chacune découpée en quatre saisons débutant par l’hiver.
En hiver
L’arbre se prépare (oui, chez Kunugi, on commence par le froid, ça met de l’ambiance).
On retourne 4 jetons ronds la première année, 3 lors des années 2, 3 et 4, puis 2 la dernière année.
Ces jetons indiquent quelles tailles de rameaux pourront pousser au printemps. Les jetons ronds sont ensuite défaussés.
Puis on retourne 5 jetons carrés la première année, et 4 les suivantes.
On place les décorations indiquées auprès des branches.
Pour les feuilles et les shimenawas, il revient aux joueurs de s’accorder sur la taille idéale avant de choisir. Si la décoration est imposée, la taille est en libre choix, pas de complexe comme ça.
Les jetons carrés sont remélangés avec les jetons carrés non utilisés et ressortiront potentiellement l’année suivante.
Au printemps
L’arbre pousse : dans l’ordre de leur choix, les joueurs doivent placer 3 des rameaux sélectionnés en hiver, soit sur le tronc, soit en prolongeant des branches existantes (une fois posée, une branche est définitive).
Si un joueur ne pose aucune branche (à quatre joueurs, par exemple), l’arbre lui offre un donguri dans sa grande mansuétude (un grand pas pour un gland, comme dirait l’autre).
Il reste toujours une branche non posée à la fin du printemps, prête pour l’année suivante — sauf année 5 : toutes les branches auront poussé pour donner l’envergure finale.
En été
Les branches ont forci : il est temps de les décorer.
Dans l’ordre de son choix, chaque joueur place 4 décorations parmi les 5 tirées en hiver.
Elles peuvent être placées où l’on veut : sur une branche, le tronc ou une autre décoration. Seules les feuilles doivent terminer une branche.
Selon leur emplacement, les décorations rapportent des donguris au joueur les ayant posées.
Le but reste cependant de respecter les conditions des Feuilles Objectif, qui donnent les points (pas les donguris).
En automne
La beauté resplendit (non, ne rêvez pas, les feuilles ne changent pas de couleur).
Les joueurs récupèrent leurs donguris tombés en été.
Ils peuvent les dépenser :
- 1 donguri : récupérer une décoration tombée lors d’une saison précédente (mode « tu as des gros doigts et puis c’est tout »), et la replacer différemment.
- 2 donguris : prendre une décoration de son choix dans la réserve et la placer sur l’arbre.
Et on poursuit ainsi durant cinq années, en modifiant seulement le nombre de branches et de décorations piochées en hiver.
📝🏁À la fin de la cinquième année, on retourne toutes les Feuilles Objectif des joueurs ainsi que les communes, pour calculer son score final d’architecte arboricole : saurez-vous atteindre le style d’Amonbeaufils ou d’André Le Nôtre ?
Personnellement, je suis plus Chabat que Louis XIV, mais chacun ses qualités.
👥 À deux joueurs : il y a une Feuille Objectif commune et deux personnelles.
👀
Ici, il s’agit de la boîte de luxe issue de la campagne de financement participatif.
N’ayant pas vu la boîte du commerce, difficile de comparer.
En tout cas, si on omet le côté un peu terne de la boîte — version « chérie, j’ai retrouvé mon pyrograveur des années 90 » aux éditions Lafond — le matériel est de très belle qualité et vraiment superbe.
Lors de la première partie, il faudra être doux avec l’ensemble, car le vernis utilisé a tendance à coller les décorations entre elles : il faut les séparer prudemment pour éviter les éclats.
L’arbre a une belle présence sur table et donne envie de tout manipuler.
Il manque cependant un peu de stabilité, tout comme le torii qui sert presque autant qu’une équipe de hockey sur glace au Sahara, ce qui est dommage pour un jeu nécessitant adresse et dextérité.
Après, si on prend bien le temps de tout caler avant de se lancer, ça passe crème.
Les règles sont assez claires, même si quelques précisions supplémentaires auraient évité des doutes (par exemple : branches ou décorations peuvent-elles toucher le torii ou la lanterne ? En théorie oui, mais la théorie est un pays merveilleux où tout se passe bien et où la TVA n’existe pas). Heureusement, un descriptif des Feuilles Objectif est présent, car l’iconographie n’est pas très intuitive.
❓Une mécanique simple et connue du « on pose un truc sur un autre et il ne faut pas que ça tombe », le tout dans un magnifique écrin qui sent bon la noblesse du bois à chaque ouverture. Mais l’emballage et l’odeur ne font pas tout : sinon j’aurais épousé des gaufres chantilly-pâte à tartiner à la noisette sans huile de palme.
On va donc coopérer pour faire croître au mieux son arbre sans révéler ses objectifs personnels (pourquoi cette limitation ? Je ne sais pas : cela fait longtemps qu’il est prouvé que les arbres se parlent entre eux, donc thématiquement ça ne changeait rien).
On communique sur tout le reste : qui fait quoi, où placer le lampion, et le premier défi consiste à ne pas dire un seul « DTC » de la partie…
Le but est de réussir les différents objectifs en extrapolant ceux des autres selon leurs actions.
Bien dépenser ses donguris sera crucial pour rétablir une décoration tombée au mauvais moment et faire vibrer notre âme de kodama, et en fin de partie, ajouter les décorations non sorties pour compléter au mieux nos objectifs — ce qui peut être dur, même si elle n’est pas sourde (dur de la feuille, oui, on l’a).
Bon, vous l’aurez compris, on est sur un jeu d’adresse et de placement assez simple à prendre en main, agréable, et il n’y a pas besoin d’avoir inventé la machine à rayer les zèbres pour comprendre quoi faire.
Attention malgré tout aux petites mains brusques et malhabiles des enfants ou du tonton en delirium tremens : le matériel, bien que joli et qualitatif, reste du contreplaqué peint et verni, donc fragile. Le Kunugi n’est pas un roseau : il ploie, et il peut rompre. Et si vous en doutiez, la branche cassée ne repoussera pas.
👉Alors, à 2, c’est mieux ?
Quel que soit le nombre de joueurs, il y a toujours cinq objectifs en jeu.
À deux joueurs, chacun se concentre sur trois objectifs, dont un commun.
On doit donc bien maîtriser la pose des décorations.
Si l’un joue l’écureuil radin et essaye d’amasser un maximum de donguris pendant que l’autre les dépense plus vite que moi chez mon ludicaire, on n’a pas le cul sorti des shimenawas barbelés.
Il faudra donc observer son partenaire pour éviter de détruire ce qu’il construit.
Quel que soit le nombre de joueurs, le jeu est agréable. Son attrait vient en grande partie de sa présence sur table, mais une fois passé le côté « waouh » de l’enrobage, contrairement à Cardi B, on a envie d’y revenir pour ce qu’il y a dedans, pour des parties sympathiques et détendues avant de plonger plus profondément dans la forêt ludique — vraiment pas comme avec Cardi B, que je viens de découvrir grâce à cet article et dont je me serais bien passé.
Bon, par contre, je n’ai toujours pas réussi à arrêter l’amalgame entre Kunugi et les Korogus, donc à chaque ouverture de boîte je m’attends à entendre un drôle de bruit, et peut-être qu’à la 900e partie j’obtiendrai enfin le fameux caca doré…











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