Polynesia : l'abstrait peut être beau, en voilà la preuve

    
    Un jeu de Peer Sylvester, illustré par David Prieto et Laura Bevon, édité par les espagnols de Ludonova.

    Voilà un jeu dont la beauté de la boîte m'a fait craquer sans m'être vraiment renseigné (ça et le gamin qui crie "veut bateau sur l'eau" en regardant la boîte en voulant voir pour la 63 000ème fois Vaïana...).

    Du coup, une fois cette somptueuse boîte ouverte (non je n'en fais pas des caisses) on s'attend à un matériel du même acabit... 
    Et force est de reconnaître que j'en ressors un peu déçu. Non pas que ce soit vilain, mais à côté de la boîte pleine de promesses, et le fond de boîte proche de l'aquarelle, le classicisme des cartes et du plateau de jeu paraît tout de suite plus terne. 
    Meeple et bateaux sont quand à eux de bonnes factures, même si la palette de couleurs polynésiennes auraient pu faire choisir des couleurs un peu plus éloignées entre le rose et le magenta ne clarifiant pas le plateau de jeu, les poissons sont plus proches de l'éperlan que de la raie Manta, et les coquillages par contre sont plus proche de celui de Botticelli que d'une bernique (choix somme toute assez étrange).  





    L'auteur annonce de suite que le thème est plaqué et qu'il s'agit d'un jeu abstrait dont toute ressemblance avec des faits réels ne serait que pur hasard.

    Une fois la mise en place faite, on place 5 meeples sur le volcan, les autres sur notre plateau tribus avec nos bateaux, les trois cartes courants placées (alors la c'est vraiment juste pour plaquer au thème mais ils étaient pas obliger d'en faire trop non plus), et les jetons bonus sont placés sur les îles et archipels en fonction de la couleur sur leur dos. 

    Essayons de sauver le plus de monde possible et de faire des points au passage. 

    Oui, l'idée se rapproche de l'excellent, mais vieux, the Island. La mécanique ne s'en rapproche pas en revanche.

    Chaque manche se déroule en trois actions, puis le volcan agit, la pénurie et enfin la pêche avant de changer de premier joueur.
    
    L'originalité tient du fait que les actions sont plus ou moins avantageuses, ou coûteuses en fonction de si elles sont faites en 1ere, 2e ou 3e action.

    Les actions sont :
Découvrir une route maritime : cette dernière peut être n'importe où sur le plateau sans forcement de continuité ou de tribut à proximité.
Soit on est le premier à la découvrir, et dans ce cas il faut mettre un bateau + une ressource de son choix (coquillage ou poisson) sur la voie maritime et en payer 2,1 ou 0 à la réserve, en fonction de si on la fait en 1ère, 2ème ou 3ème action.
Soit on n'est pas le premier et pour y apposer son bateau on donne au propriétaire 2 ressources identiques à celle présente sur la voie maritime (ce qui peut vite devenir très cher...)

> Explorer : on a un nombre de déplacement équivalent au tour en cour. 
Soit gratuitement entre le volcan et les îles de départ (en orange), ou s'il y a une voie maritime nous appartenant. 
Soit on doit se faire guider par la tribu à qui appartient la voie, pour cela il faut lui payer la ressource indiquée sur la voie et qu'un de ses meeples soit sur l'île de départ pour nous accompagner sur l'île d'arrivée. Sans ses deux conditions, impossible de se déplacer. (Vous les voyez, là, les différents moyens de bloquer l'adversaire?)

> Peupler : on pose soit 5 meeples sur l'île volcanique, soit 1 sur une île où on possède déjà une tribu.

> Pêcher : on récupère 3/2/1 ressource.s d'un type en fonction du tour où on fait cette action.

    Une fois les trois actions faites, le premier joueur tire un cube du sac volcan (niveau immersion, on a quand même fait un peu mieux qu'un kubenboi pour symboliser lave et scories). 
6 cubes rouges dans le cratère et la partie est fini... Donc au minimum 5 tours de jeu (le cube noir obligeant à piocher deux fois), 9 maximum si la force est avec vous.

    Le premier joueur défini ensuite un type de ressource qui s'épuise, tous les joueurs la défaussent (il peut être intéressant de dépenser un type de ressource avant d'obliger les autres à les défausser...).
On récupère les ressources en fonction des îles où on se trouve, puis on transmet le jeton premier joueur au suivant.

    Une fois que le volcan a explosé et qu'on sent un petit air de Pompéi à la mer, on compte les points.

    D'abord, on récupère toutes les tribus sur le volcan et les îles de départ (on les avait prévenu que ça allait péter, fallait penser à s'enfuir). Puis on marque les points en fonction du nombre de tribus sur le terrain, des icônes tortues (les rares stylisés polynésiens d'ailleurs) en notre possession et sur les îles où nos tribus se trouvent (pas de majorité), et des cartes courants (vraiment, ce n'est pas instinctif comme nom de cartes objectifs)

    Celui qui a le plus de points gagne.




    A deux joueurs, nous n'avons plus la possibilité d'emprunter une voie maritime déjà prise par un autre joueur lors de l'action explorer, le plateau joueur se joue sur le verso, certaines cartes courants et le masque numéro 4 sont retirés de la partie.

    Une fois le "petit moment de déception" lié à l'inégalité entre couverture et matériel, nous sommes sur un excellent jeu abstrait de gestion et surtout de blocage, la partie est un savant mélange de "je joue pour avancer et aussi pour que l'autre ne le puisse pas, ou pas sans me payer". 

    Les parties sont suffisamment courtes pour éviter les frustrations d'une stratégie qui tombe à l'eau après 16 tours de préparations, et la gestion des actions où il faudra toujours peser le risque de la payer plus cher pour la faire, ou au contraire attendre et risquer de la voir nous échapper, pour profiter à un autre. Sans compter la fin de partie qui peut arriver plus ou moins vite, rendant ce jeu nerveux, tactique et très intéressant.

Alors, à 2 c'est mieux?

    On sent vite que le jeu est prévu pour trois ou quatre, et la suppression de l'action d'exploration peut sembler bloquante, mais au final c'est juste pas les mêmes stratégies à mettre en place, l'anti-jeu se ferra différemment, et la stratégie mise en place a plus de chance d'aboutir, ou d'être immédiatement réduite à néant, pas de tour d'observation. 

    On bloquera plus l'adversaire sur les îles que sur les routes commerciales, et au final il va falloir la jouer tacticien, tout en profitant allègrement de l'autre. 

    Là, on est seul face à la mer (maintenant je vous laisse chanter Calogero), et le plaisir est là, mais ne comptez pas sur la chance ou le hasard pour vous pousser à la victoire, comme une bonne pêche, tout se mérite.

    Alors, échauffez vos épaules pour pagayer jusqu'à Te Fiti pour le salut de votre tribu. 

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